Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/197

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— En vérité, mon cher Corny, me dit-il après les compliments d’usage, vous semblez prédestiné à me rendre toujours les plus signalés services, et je ne sais plus, d’honneur, comment vous remercier. Hier, c’était un loin ; aujourd’hui, c’est cette affaire de la rivière. Savez-vous bien que si M. Mordaunt n’y met ordre, avant la fin de l’été ce Guert aura noyé toute la famille, ou aura trouvé quelque autre moyen de lui casser le cou.

— Cet accident est du nombre de ceux qui auraient pu arriver à l’homme le plus âgé et le plus prudent. La surface de la rivière semblait aussi solide que le pavé de la rue, au moment où nous sommes partis ; et il ne s’en est fallu que d’une heure que nous soyons revenus sains et saufs.

— Oui, mais cette heure-là a failli faire couler bien des larmes dans la famille la plus charmante de la colonie ; et c’est vous qui avez conjuré le plus grand des malheurs. Pourquoi donc, Littlepage, n’entrez-vous pas dans l’armée ? Joignez-vous à nous comme volontaire quand nous partirons, et j’écrirai à sir Harry de vous avoir un brevet d’officier. Dès qu’il saura que c’est à votre sang-froid et à votre courage que nous devons la vie de miss Mordaunt, il remuera ciel et terre pour vous témoigner sa reconnaissance. Du moment que ce bon père s’est décidé à accepter pour bru miss Mordaunt, il la regarde comme son enfant.

— Et Anneke — miss Mordaunt, monsieur Bulstrode, regarde-t-elle aussi sir Harry comme son père ?

— Mais il faudra bien que cela vienne par degrés, puisque c’est naturel, n’est-ce pas ? Seulement les femmes sont plus lentes que nous à recevoir des impressions si totalement nouvelles ; et je suis sûr qu’Anneke se dit qu’elle a bien assez d’un père pour le moment, quoiqu’elle me charge, je vous assure, de choses les plus aimables pour sir Harry, quand elle est en verve. Mais d’où vient cet air grave, mon bon Corny ?

— Monsieur Bulstrode, je dois imiter votre franchise. Vous m’avez dit que vous recherchiez la main de miss Mordaunt, je dois vous avouer à mon tour que je suis votre rival.

Mon compagnon entendit cette déclaration avec un calme parfait, et le sourire sur les lèvres.

— Ainsi, vous désirez devenir vous-même le mari d’Anneke