Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/365

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servir de leur langage, c’est un emplàtre dont ils ont besoin pour le dos de ce guerrier ; son sort est, à ce qu’il paraîtrait, décidément fixé ; et ils ne l’ont amené que pour faire naître chez lui des espérances qui n’en seront que plus cruellement déçues ; les barbares ne craignent pas d’en convenir dans leur langage sentencieux. Quant à Guert, ils prétendent qu’il a tué deux de leurs guerriers, et que leurs femmes ne pourront guère être apaisées qu’en voyant aussi sa chevelure. Ils offrent néanmoins de le relâcher à l’une ou l’autre de ces conditions : ou bien nous donnerons en échange deux de ce qu’ils appellent des chefs, ou quatre hommes ordinaires ; ou bien, si ces conditions ne nous conviennent pas, deux hommes ordinaires seulement, mais alors nous leur abandonnerons Ravensnest, et nous en sortirons tous avant que le soleil soit au-dessus de nos têtes.

— Et toutes ces conditions sont inacceptables, n’est-ce pas ? je ne le sens que trop.

— Assurément. Il s’agirait de ma vie, que je ne consentirais jamais à cet affreux échange. Pour ce qui est de Ravensnest et de tout ce qui s’y trouve, à l’exception de quelques papiers, pour eux sans importance, je le leur abandonnerais volontiers ; mais quand je pourrais me fier à la bonne foi des chefs, je sais qu’il ne leur serait pas possible de retenir leurs compagnons ; l’affreux massacre au fort William-Henry n’en est une preuve que trop récente. Ils ont déjà ma réponse, et nous allons nous séparer. Peut-être, en nous voyant prendre notre parti, se décideront-ils à se relâcher un peu de leurs conditions.

Musquerusque, qui s’était conduit avec beaucoup de dignité pendant l’entrevue, fit gravement un signe de la main, comme pour prendre congé de nous, et les trois Hurons s’éloignèrent ensemble.

— Il vaut mieux partir aussi, dit Susquesus avec une intention marquée ; on peut avoir besoin de carabines. — Les Hurons ne plaisantent pas.

Cet avertissement nous suffit, et, retournant auprès de nos amis, nous reprîmes nos armes. Ce qui suivit, je le sais, en partie comme témoin oculaire, en partie par les récits qui me furent faits. Il paraît que Jaap avait compris, dès le premier moment,