Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’œufs à la coque, et d’un beefsteak cuit à point, avec les accompagnements ordinaires de hors-d’œuvre, de tourtes aux pommes et de cidre. C’est le dîner substantiel qui attend le voyageur dans les bonnes tavernes de New-York, et j’avoue qu’il me plaît fort. Je le préfère à tous les ragoûts, à toutes les friandises en renom. La soupe même à la tortue, pour laquelle nous avons une certaine célébrité à New-York, est loin de me faire le même plaisir.

Il faut rendre justice à Dirck : il mangea de bon cœur ; et je dois convenir qu’en général il perd difficilement l’appétit. Comme à l’ordinaire, je fis presque tous les frais de la conversation ; et je causai surtout avec notre hôtesse, qui apprenant que j’étais le fils du major Littlepage, l’une de ses meilleures et de ses plus fidèles pratiques, vint poser elle-même le dessert sur la table, et me fit l’honneur de m’adresser la première la parole. Elle s’appelait mistress Léger ; mais il n’y avait en elle de léger que son nom ; car c’était la personne la plus replète qu’on pût s’imaginer.

— Dites-moi, ma chère mistress Léger, lui demandai-je dès qu’il fut possible de placer un mot, ce qui n’eut lieu que lorsqu’elle eut épuisé toute sa litanie et l’honneur des Littlepage, connaîtriez-vous par hasard dans ces environs une famille du nom de Mordaunt ?

— Si je la connais, monsieur ! pourquoi ne redemandez-vous pas si je connais les Van Cortland, les Philipse, les Ellis et tous les gentilshommes des environs. Si je connais M. Mordaunt ! lui qui à une maison de campagne, un vrai bijou, à deux milles de chez nous ! Est-ce que lui et madame Mordaunt passaient jamais devant notre porte, quand ils allaient voir madame Van Cortland sans s’arrêter pour dire un mot et laisser un schelling ? La pauvre dame est défunte ; mais elle a laissé une vivante image de ses vertus, qui fera du ravage dans la colonie, ou je me trompe fort. Cette chère enfant est la modestie même, monsieur ; aussi ai-je cru pouvoir me permettre de lui dire, la dernière fois qu’elle a passé ici, qu’elle n’avait qu’à prendre garde à elle, et qu’à mon avis on devrait bien l’enfermer pour tous les vols qu’elle allait faire, sans parler de ceux qu’elle avait déjà faits. Elle est de-