Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/17

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— Vous avez tort, mon garçon, vous avez tort ; car Ursule est la gaieté incarnée, et je lui ai souvent parlé de vous de manière à vous aplanir joliment le chemin.

J’assurai à mon ami André que je ne songeais nullement à me marier, et que, dans tous les cas, j’aurais plus de goût pour une femme mélancolique et sentimentale que pour une petite rieuse. Le vieux porte-chaîne ne se fâcha pas de mon refus ; mais, loin de se décourager, il revint plus de douze fois à la charge. Alors arriva le licenciement de notre régiment, et nous nous séparâmes. Si nous ne devions plus nous revoir comme soldats, j’espérais bien ne pas perdre, pour cela, de vue mon vieil ami, et s’il ne trouvait pas d’occupation d’un autre côté, j’étais bien décidé à lui en donner moi-même.

La chose ne m’était pas très-difficile. Mon aïeul paternel, Herman Mordaunt, m’avait laissé un domaine considérable dont je devais entrer en jouissance à ma majorité. Ce domaine, d’une vaste étendue, situé dans ce qui forme aujourd’hui le comté de Washington, portion de notre territoire au nord-est d’Albany, avait été divisé et affermé en partie avant sa mort ; mais la plupart des baux étaient expirés, et les colons attendaient pour les renouveler des temps plus tranquilles. Jusqu’alors Ravensnest — c’était le nom de la propriété — n’avait été, pour la famille, qu’une source de tracas et de dépenses ; mais la terre était bonne ; des améliorations importantes avaient été opérées, et il y avait lieu d’espérer, à l’avenir, quelques produits. Auprès de ce domaine était celui de Mooscridge qui, concédé, dans le principe, au premier général Littlepage et au vieux colonel Follock, était échu pour moitié, lorsque ce dernier avait été si indignement scalpé au commencement de la guerre, à Dirck-Follock. Mon grand-père alors avait transmis à son fils unique la part qui lui appartenait. Cette propriété avait été divisée autrefois en grands lots, mais, par suite de circonstances malheureuses, puis des troubles qui avaient éclaté plus tard, elle n’avait jamais été distribuée en fermes. Aussi, tout ce qu’elle avait jamais rapporté, c’était le privilège de payer les taxes et les redevances que s’était réservées la couronne.

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