Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/135

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car, à vrai dire, le peuple des environs ne se laisse pas facilement attraper dans un marché.

— Est-il contenu qu’il afait tort et fous raison, cet herr Newcome ?

— Non, vraiment il ne conviendra jamais de quelque chose qui est contre sa doctrine, à moins que ce ne soit par ignorance. Mais je ne vous en ai pas dit la moitié. Comment se fait-il, ajoutai-je, que vous prétendiez qu’un seul des Littlepage vous ait trompé, quand vous aimeriez mieux avoir la parole d’un Littlepage que la signature de tout autre ? Surtout, vous, monsieur Newcome, qui avez vécu si longtemps sur la propriété des Littlepage, n’avez-vous pas honte de vouloir les en dépouiller ? Vous ne vous contentez pas d’écarter tous les gens comme il faut, en vous emparant des fonctions publiques et en prenant tout ce que vous pouvez de l’argent public, il faut encore que vous les fouliez, aux pieds, et que vous vous vengiez ainsi de votre infériorité.

— Eh pien, ami, fous étiez pien hardi de dire tout cela au peuple de cette contrée, où ch’entends qu’un homme peut dire chuste ce qu’il a sur l’esbrit, pourfu qu’il ne dise pas trop de férités.

— C’est ça, c’est ça ; vous vous mettrez rapidement au courant, je vois. J’ai encore dit cela à M. Newcome : Monsieur Newcome, vous êtes très-hardi quand il s’agit de déclamer contre les rois et les nobles, parce que vous savez bien qu’ils sont à trois milles d’ici et qu’ils ne peuvent vous faire de mal mais vous n’oseriez jamais vous présenter ici devant votre maître le « peuple », pour lui dire ce que vous pensez de lui, et ce que j’ai entendu de votre bouche entre nous. Oh ! je lui ai donné une fameuse leçon, je vous assure.

Quoiqu’il y eût beaucoup du domestique anglais dans la logique et les sentiments de John, il y avait aussi beaucoup de vérité dans ce qu’il disait. L’accusation adressée à Newcome d’avoir une opinion en particulier et une autre en public sur les droits du peuple, est tous les jours applicable ; Il n’y a pas en ce moment, dans toute la vaste enceinte des frontières américaines, un seul démagogue qui ne puisse avec justice être accusé de la même fourberie. Il n’y a pas dans tout le pays un seul démagogue qui, s’il vivait dans une monarchie, ne fût le plus humble partisan des hommes au pouvoir, ne fût prêt à se mettre à genoux devant ceux qui approcheraient de la personne du monarque.