Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/119

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Pendant qu’il parlait ainsi, les joues pâles d’Alix Dunscombe se couvraient d’un coloris plus vif, et elle lui répondit :

— Il pouvait exister parmi eux des gens qui ne respectaient pas les lois du pays ; mais il en était d’autres qui, quelque coupables qu’ils pussent être à d’autres égards, ne l’étaient pas d’un crime si bas, et qui auraient trouvé leur chemin dans cette baie dangereuse, au milieu des flots agités et par la nuit obscure, aussi aisément que vous trouvez le vôtre en plein midi dans les corridors de cette abbaye.

— Eh bien ! colonel Howard, irons-nous interroger ces trois hommes et voir s’ils sont du nombre de ces pilotes doués de si bons yeux ? demanda Dillon, qui commençait à se trouver mal à l’aise dans sa situation, et qui crut à peine nécessaire de cacher l’air de mépris avec lequel il regardait Alix en parlant ainsi ; peut-être avec leur aide serons-nous en état de tracer une carte du fond de la baie, et cela nous ferait honneur auprès des lords de l’amirauté.

Ce sarcasme peu mérité et peu courtois fit rougir miss Howard jusqu’au front ; se levant sur-le-champ, elle s’adressa à Christophe d’un ton à laisser apercevoir un juste mécontentement :

— Si M. Dillon voulait se conformer aux désirs du colonel Howard, dit-elle, comme ma cousine vient de les exprimer, nous n’aurions pas à nous reprocher de retenir sans nécessité des gens probablement plus infortunés que coupables.

À ces mots, elle traversa l’appartement, et alla s’asseoir près d’Alix Dunscombe, avec qui elle se mit à causer à voix basse. Dillon la salua avec un air d’humilité ; et s’étant assuré que le colonel Howard avait dessein de donner audience aux prisonniers dans cet appartement, il sortit pour exécuter sa mission, triomphant secrètement en voyant que la réclusion des deux cousines allait probablement devenir moins rigoureuse, et se flattant de trouver, pour voir la beauté hautaine dont il briguait les bonnes grâces, plus d’occasions qu’elle ne paraissait disposée à lui en fournir.

— Christophe est un digne garçon, bon et serviable, dit le colonel quand il fut parti, et j’espère encore vivre assez pour le voir porter l’hermine. Je parle ainsi au figuré ; il ne faudrait pas le prendre à la lettre, car l’hermine serait un vêtement peu commode sous le soleil brûlant de la Caroline. Je me flatte que les