Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/139

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m’aperçois que le savant monsieur Barnstable a non seulement réussi à déchiffrer mon griffonnage, mais qu’il a jugé à propos de le montrer à qui a voulu le voir.

— Vous êtes injuste envers lui et envers moi, miss Plowden. Ne fallait-pas qu’il me communiquât un plan dans lequel je devais jouer un rôle ?

— Je vois que les excuses se présentent à vous aussi promptement que vos marins quand vous les appelez. Mais comment se fait-il que le héros de l’Ariel ne se soit pas montré lui-même dans une affaire qui l’intéressait personnellement ? Est-il dans l’habitude de se contenter des seconds rôles ?

— À Dieu ne plaise que vous pensiez un seul instant si mal de lui, miss Catherine ! mais nous avons des devoirs à remplir ; vous savez que nous servons notre patrie commune ; et nous avons un officier supérieur dont la moindre volonté est un ordre pour nous.

— Et cette patrie a besoin des efforts de tous ses enfants, répondit Cécile ; retournez donc sur votre bord, pendant que vous le pouvez, et lorsque la bravoure de nos compatriotes aura chassé de son sol ceux qui veulent l’asservir, espérons qu’il viendra un temps où Catherine et moi nous pourrons revoir notre pays natal.

— Songez-vous, miss Howard, que le bras de l’Angleterre est assez fort pour reculer cette époque encore bien loin ? Nous triompherons ; une nation qui combat pour tout ce qu’elle a de plus cher ne peut manquer de triompher. Mais ce n’est pas l’ouvrage d’un jour pour une population appauvrie et dispersée comme la nôtre, que d’abattre une puissance comme celle de la Grande-Bretagne. Vous oubliez sûrement qu’en me disant d’attendre, c’est presque m’ôter toute espérance !

— Il faut nous en rapporter à la volonté de Dieu. S’il veut que l’Amérique ne soit libre qu’après de longues souffrances, je ne puis aider ma patrie que de mes prières ; mais votre bras et votre expérience, Griffith, peuvent lui rendre d’autres services. Songez à ce qu’elle attend de vous, au lieu de former des projets qui n’ont pour but que votre bonheur privé. Profitez de l’instant qui vous reste ; retournez à votre vaisseau, s’il est encore en sûreté ; tâchez d’oublier cette folle entreprise ; oubliez même pendant un certain temps celle pour qui vous l’avez hasardée

— C’est un accueil auquel je ne m’attendais pas, Cécile. Quoique ce soit le hasard plutôt qu’une intention formelle qui m’a