Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/146

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république, en vue des trois royaumes, et ni la force de leurs armes, ni leur longue expérience, n’ont été en état de l’abattre. Ah ! Alix, les échos de vos montagnes répètent encore le bruit de mes canons, et celui de mon nom ne réveillerait vos cultivateurs endormis que pour les glacer d’effroi.

— Ne vous vantez pas du succès momentané qu’il a plu à Dieu d’accorder à vos armes impies ; le jour de la vengeance arrivera, et elle sera terrible. Et ne vous flattez pas de la vaine espérance que votre nom, quelque redoutable que vous l’ayez rendu aux gens de bien, suffise lui seul pour bannir de l’esprit de quiconque l’entendra, le souvenir de sa patrie, de ses parents, de ses amis, de sa fortune. Je ne sais pas si moi-même, en vous écoutant en ce moment, je n’oublie pas un devoir solennel qui me prescrirait d’annoncer, de proclamer votre présence, afin de faire savoir à toute l’Angleterre que son enfant dénaturé menace son territoire.

Le pilote, qui continuait à se promener dans la chambre, se retourna brusquement ; et après avoir étudié un moment la physionomie d’Alix, il dit du ton le plus doux et en homme qui sentait qu’il n’avait rien à craindre.

— Serait-ce agir d’une manière digne d’Alix Dunscombe, de celle que j’ai connue dans ma jeunesse si bonne et si généreuse ? Mais, je vous le répète, cette menace ne m’intimiderait pas, quand même vous seriez disposée à l’exécuter. Je vous ai dit que je n’ai qu’un signal à faire pour attirer autour de moi une force suffisante pour disperser ces misérables soldats, comme des feuilles sèches emportées par le vent.

— Et avez-vous bien calculé vos moyens, John ? demanda Alix, trahissant involontairement l’intérêt qu’elle prenait à sa sûreté ; avez-vous compté sur la probabilité que M. Dillon arrive ce matin, accompagné d’un détachement de cavalerie ? car ce n’est plus un secret dans l’abbaye, qu’il est allé chercher un renfort de troupes ?

— Dillon ! s’écria le pilote en tressaillant : qui est-il ? Quels soupçons l’ont engagé à aller chercher une augmentation de forces ?

— Ne me regardez pas comme si vous vouliez pénétrer dans les secrets de mon cœur, John. Vous ne pouvez croire que ce soit moi qui lui aie inspiré une telle démarche, vous ne savez que trop que je suis incapable de vous trahir. Mais il est certain qu’il est