Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/153

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en vous des sentiments de loyauté pour votre prince, pour votre pays ?

— Loin de moi cette lâche pensée ! s’écria le pilote, rappelé à lui-même par cette question, et rougissant de l’espèce de faiblesse qu’il venait de montrer. C’est toujours par ses œuvres que l’homme se rend recommandable. Mais venons-en à l’objet de votre visite. J’ai le pouvoir de me tirer, moi et mes compagnons, des faibles mains qui nous retiennent ; mais je voudrais, à cause de vous, le faire sans en venir à des actes de violence. Venez-vous m’en indiquer les moyens ?

— Demain matin vous serez conduits tous trois dans l’appartement où je vous ai déjà vu, à la sollicitation de miss Howard, sous prétexte de prendre des renseignements sur votre situation ; l’humanité autant que la justice plaidera en faveur de sa demande, et tandis que vos gardes seront à la porte, nous vous ferons traverser l’intérieur des appartements de l’aile que nous habitons ; il vous sera facile de sauter par une fenêtre du rez-de-chaussée, et le bois, qui n’est qu’à deux pas, vous fournira le moyen de pourvoir à votre sûreté.

— Et si ce Dillon, dont vous m’avez parlé, soupçonne la vérité, comment vous justifierez-vous aux yeux de la loi d’avoir favorisé notre fuite ?

— Je crois qu’il ne se doute guère quel homme se trouve parmi les prisonniers, quoiqu’il soit possible qu’il ait reconnu un de vos compagnons. C’est un intérêt particulier qui l’anime, et non le zèle pour le bien public.

— Je m’en doutais, dit le pilote avec un sourire qui remplaça l’expression de son inébranlable et farouche caractère. Ce sourire pouvait être comparé à l’éclat d’un incendie qui révèle par une dernière lueur la dévastation qu’il a produite. Ce jeune Griffith, avec sa folle imprudence, m’a détourné de mon droit chemin, et il est juste que sa maîtresse coure quelque risque pour lui. Mais il n’en est pas de même de vous, Alix ; vous n’habitez cette maison que momentanément, et il est inutile que vous paraissiez en rien dans cette malheureuse affaire. Si mon nom venait à être connu, ce mécréant américain, ce colonel Howard aurait besoin de tout le crédit qu’il a acheté en embrassant la cause de la tyrannie, pour se garantir des conséquences du déplaisir de vos ministres.