Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/190

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stable ; il y a en cela un espoir raisonnable. Que l’Anglais parle, et je réponds sur ma vie que l’Ariel ne prendra pas sa voix pour le bruit du tonnerre. Donnez-moi un mousquet. Je tirerai de mon côté.

On présenta un fusil à Barnstable, qui le déchargea plusieurs fois, comme en dérision de l’ennemi qui le poursuivait, et son projet réussit complètement. Courroucé de cette espèce de bravade insultante, le commandant de l’Alerte fit encore tirer sur la petite barque plusieurs coups de canon, dont aucun ne l’atteignit, attendu qu’elle n’était pas encore à portée. Cependant un dernier boulet tomba assez près pour couvrir d’eau l’équipage ; mais bien loin d’y trouver un sujet d’alarme, les intrépides marins ne firent qu’en rire, et le contre-maître s’écria :

— Une grande distance, un petit objet et des vagues élevées, sont le meilleur abri possible. Il ne faut pas loucher pour percer la quille d’un navire.

Malgré le peu de succès de sa canonnade, le cutter gagnait constamment sur la barque, et il paraissait sur le point d’arriver à une distance plus favorable, quand le bruit d’un coup de canon tiré du côté opposé du cutter répondit à un coup de fusil tiré par Barnstable. Il se retourna aussitôt, et il eut le plaisir de voir l’Ariel sortant de l’anse où il était à l’ancre ; la fumée produite par le coup qu’il venait de tirer formait un petit nuage autour de ses mâts.

À cette vue, qui leur rendait l’espérance, Barnstable et tout son équipage poussèrent de grands cris de joie ; et le cutter, déployant toutes ses petites voiles pour doubler encore sa vitesse, lâcha une bordée à mitraille contre les fugitifs. Mais la mitraille tomba encore dans la mer, à quelque distance, et ne fit qu’y élever un brouillard d’écume.

— C’est comme la baleine à l’agonie, dit Tom Coffin avec une gravité risible.

— Si le commandant est un brave, s’écria Barnstable, il ne nous quittera pas sans faire plus ample connaissance. Forcez de rames, mes amis, forcez de rames ; je voudrais voir ce cutter de plus près.

Les rameurs sentaient la nécessité de faire de nouveaux efforts, et ils n’épargnèrent pas leurs bras. Au bout de quelques minutes, la barque rejoignit l’Ariel, où Barnstable et ses compagnons