Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/207

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mieux traités que ne le serait lui-même ce diable entreprenant, le brave P…

— Allons, allons, capitaine, s’écria Griffith avec un accent d’impatience, ce n’est pas le moment de jaser de bagatelles, nous avons à discuter des affaires plus sérieuses. Quelle marche avez-vous résolu de suivre, monsieur Gray ?

Le pilote tressaillit à cette question, distrait tout à coup de ses réflexions et après une pause d’un instant il répondit d’une voix lente, comme un homme encore occupé d’une triste rêverie :

— La nuit n’a plus longtemps à durer, mais le soleil est paresseux, sous cette latitude, dans le cœur de l’hiver. Il faut que je vous quitte pour vous rejoindre dans quelques heures. Il y a des précautions à prendre pour la réussite de notre projet, et nul autre que moi ne peut faire ce service. Où nous retrouverons-nous ?

— J’ai des raisons pour croire qu’il existe à peu de distance des ruines abandonnées, dit Griffith. Nous pouvons y trouver un abri secret et silencieux.

— L’idée est bonne, répondit le pilote ; et ce projet nous sera utile à deux fins. Pouvez-vous retrouver l’endroit où vous avez mis vos soldats en embuscade, capitaine Manuel ?

— Demandez à un limier s’il a du nez, et s’il peut suivre une piste ! s’écria le capitaine. Croyez-vous, signor pilota, qu’un général place ses forces en embuscade dans un lieu où il ne puisse les trouver ? De par Dieu ! je savais fort bien où les drôles ronflaient tranquillement, la tête sur leurs havresacs, il y a une demi-heure, et j’aurais donné le rang de major dans l’armée de Washington pour les avoir près de moi, car je n’aurais eu qu’un mot à prononcer pour les voir en ligne, prêts à faire une charge. Je ne sais ce que vous en pensez, Messieurs, mais pour moi la vue de mes vingt drôles eût été un spectacle ravissant. Nous aurions fait sauter ce capitaine Borroughcliffe et ses recrues sur la pointe de nos baïonnettes, comme ce diable de P…

— Allons, Manuel, dit Griffith d’un ton mécontent, vous oubliez toujours notre position et notre mission. Croyez-vous, pouvoir amener ici vos soldats avant le point du jour sans être découvert ?

— Il ne me faut pour cela qu’une petite demi-heure.

— Suivez-moi donc, et je vous montrerai notre rendez-vous secret. M. Gray le connaîtra en même temps.