Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/222

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timents de son prisonnier, et lui adressa quelques observations en forme de condoléances, tout en surveillant les préparatifs du départ de sa troupe ; enfin son sergent vint lui annoncer qu’on avait préparé ce qui pouvait être nécessaire pour transporter les blessés à défaut de brancards, et il lui demanda si son intention était de retourner au quartier-général.

— Qui a vu la cavalerie ? demanda Borroughcliffe. De quel côté a-t-elle marché ? A-t-elle entendu parler de ce détachement ennemi ?

— Je ne le crois pas, capitaine. Lorsque nous sommes descendus des rochers, l’officier disait qu’il allait parcourir la côte à la distance de quelques milles, et répandre l’alarme.

— Laissez-le faire. La cavalerie n’est bonne qu’à cela, Drill, l’honneur est aussi difficile aujourd’hui à obtenir par les armes que l’avancement. On dirait que nous ne sommes que les enfants dégénérés des héros de Poitiers. Vous en avez entendu parler, sergent ?

— Quelque bataille livrée aux rebelles par les troupes de Sa Majesté, mon capitaine, répondit le sous-officier qui ne comprenait pas trop l’expression du coup d œil de Borroughcliffe.

— Drôle ! votre esprit est bien lourd après une victoire ! Approchez, j’ai des ordres à vous donner. Croyez-vous, maître Drill, que notre petite partie de plaisir de ce matin nous vaille, à vous et à moi, plus d’honneur et de profit que nous ne sommes en état d’en porter ?

— Non, mon capitaine ; car nous avons tous deux d’assez larges épaules.

— Et qui ne sont pas fatiguées de trop lourds fardeaux de cette espèce. Or si nous laissons arriver cette nouvelle jusqu’aux oreilles de dragons affamés, ils vont tomber sur nous comme une meute, réclamer au moins la moitié de l’honneur, et s’emparer certainement de tout le profit.

— Mais, mon capitaine, pas un seul d’entre eux…

— Qu’importe, Drill ? J’ai vu des troupes qui avaient acheté la victoire au prix de leur sang être privées de tous leurs avantages légitimement acquis, par une dépêche rédigée avec adresse. Vous savez que, dans la fumée et la confusion d’une bataille, on ne peut voir ce qui se passe autour de soi, et que la prudence exige qu’on ne parle dans un rapport officiel que de ce qui ne peut être