Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/242

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dant, semblaient se condenser et se fixer plus près de terre pour y former un épais brouillard à travers lequel on sentait à peine un souffle de vent, et qui ajoutait encore à l’obscurité de la nuit. Un homme qui n’aurait pas connu les localités aussi bien que Dillon aurait donc eu quelque peine à trouver le chemin qui conduisait à la demeure du colonel Howard ; mais le futur juge réussit bientôt à le découvrir, et, dès qu’il fut sûr d’être sur la route, il doubla le pas pour arriver à son but.

— Sans doute, sans doute, dit Tom qui n’avait pas besoin de grands efforts pour le suivre ; vous autres gens de terre vous connaissez tous les gisements pour diriger votre course quand vous êtes une fois en rade. J’ai été une fois laissé à Boston par un bâtiment de l’équipage duquel je faisais partie, et j’avais à me rendre à Plymouth[1], ce qui est une affaire de quinze lieues ou environ. Après y être resté en panne pendant huit jours, ne trouvant aucune occasion pour partir par mer, je finis par me décider à m’embarquer sur la terre ferme. Je passai encore près d’une semaine à chercher quelque lougre de terre qui pût me prendre à bord, comptant bien gagner mon passage en travaillant à la manœuvre, car l’argent n’était pas plus commun alors qu’aujourd’hui dans la poche de Tom Coffin, et il est probable qu’il en sera de même, à moins qu’il ne m’arrive quelque rencontre plus heureuse qu’hier, en guise de pêche ; mais il paraît que les chevaux, les ânes et le bétail à cornes sont privilégiés pour faire toute la manœuvre à bord de vos lougres de terre, si bien que je fus obligé de payer une semaine de mes gages pour la traversée, et de me contenter de pain et de fromage depuis l’instant où je mis à la voile de Boston jusqu’à celui où je jetai l’ancre à Plymouth.

— C’était sans doute une exaction déraisonnable de la part des propriétaires de la diligence envers un homme dans votre situation, dit Dillon d’un ton doux et amical.

— Ma situation était celle d’un passager de cabane, car, indépendamment du bétail dont je vous ai parlé, il n’y avait sur le gaillard d’avant que deux bras occupés de la manœuvre, et c’étaient ceux du pilote. Au surplus, sa besogne n’était pas difficile, car sa course était toute tracée, tantôt par des murs, tantôt par des barrières de clôture. Quant aux nœuds de sa route, ils

  1. Port dans le Massachusetts, et premier établissement des Anglais en Amérique.