Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/247

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temps après que l’appétit est rassasié. Dédaignant de se servir d’une chaise, il s’était assis sur un des coffres de Borroughcliffe, et ayant placé son assiette sur ses genoux, il se servait de son couteau avec une dextérité égale à celle de la Goule des Mille et une Nuits quand elle enfilait ses grains de riz avec la pointe de son aiguille. Le capitaine s’assit près de Tom, et avec une familiarité mêlée de beaucoup de condescendance, vu leur condition respective, il commença le dialogue suivant :

— J’espère que ce qu’on vous a servi était à votre goût, Monsieur… ? je ne sais pas encore quel est votre nom.

— Tom, répondit le contre-maître les yeux attachés sur ce qui restait dans son assiette ; Tom-le-Long, comme m’appellent mes camarades sur le vaisseau.

— Vous avez fait voile avec des navigateurs sages et habiles, puisqu’ils connaissent si bien la longitude. Mais vous avez un nom patronymique. Je veux dire un autre nom.

— Coffin. On m’appelle Tom dans les cas pressés, comme lorsqu’il s’agit de hisser ou de carguer une voile ; Tom-le-Long quand on veut rire avec un vieux marin par un beau temps, et Tom Coffin-le-Long quand on veut m’appeler de telle sorte qu’aucun de tous les parents du même nom, que je puis avoir ne soit tenté de répondre pour moi ; car je crois que le plus long d’entre eux n’a guère plus d’une brasse, à le mesurer du haut du mât jusqu’à la quille.

— Vous êtes un digne homme ; monsieur Coffin, et il est pénible de penser à quel destin la trahison de M. Dillon vous a consigné.

Les soupçons de Tom, s’il en avait jamais eu, avaient été trop bien dissipés par la manière dont il avait été accueilli, pour que ce peu de mots les fissent renaître. Après avoir renoué connaissance avec le pot de grog, il répondit avec beaucoup de simplicité :

— Je n’ai été consigné à personne, vu que je n’ai amené d’autre cargaison que ce M. Dillon, qui doit me donner en échange M. Griffith, ou revenir avec moi sur l’Ariel, comme mon prisonnier.

— Hélas ! mon bon ami, je crains que vous n’appreniez que trop tôt qu’il n’a dessein d’exécuter ni l’une ni l’autre de ces conditions.

— Je veux être damné s’il n’en exécute pas l’une des deux. J’ai reçu mes ordres, et je m’y conformerai. Il faut qu’il revienne avec