Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/26

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mécontentement qui couvrait le front de Barnstable, lorsqu’il sauta du rocher sur sa barque, et qu’il s’y assit à côté du pilote silencieux.

— Poussez au large ! s’écria le lieutenant d’un ton auquel ses matelots savaient qu’il fallait obéir. La malédiction d’un marin sur la folie qui expose de bonnes planches et des vies précieuses à une telle navigation, et tout cela pour brûler quelques vieux bâtiments chargés de bois de Norvége ! — Force de rames, vous dis-je, force de rames !

Malgré la violence du ressac occasionné par les vagues qui se brisaient contre les rochers d’une manière alarmante, les marins réussirent à surmonter cet obstacle, et quelques secondes de travail portèrent la barque au-delà du point où il y avait le plus de danger à craindre. Barnstable avait à peine songé à ce péril, et il regardait avec un air de distraction l’écume produite par chaque vague. Enfin la barque s’élevant régulièrement sur de longues lames d’eau, il jeta un coup d’œil sur la baie, pour chercher à découvrir la chaloupe ; mais il ne la vit pas.

— Oui, murmura-t-il, Griffith s’est lassé d’être bercé sur ses coussins, et il faudra que nous allions jusqu’à la frégate, tandis que nous devrions travailler à tirer le schooner de cet ancrage infernal. C’est un endroit précisément comme le voudrait un amant langoureux : un peu de terre, un peu d’eau et beaucoup de rochers. — Diable ! Tom, savez-vous que je suis presque de votre avis, qu’une petite île par-ci par-là est toute la terre ferme dont un marin a besoin ?

— C’est parler raison, et voilà de la philosophie, capitaine, répondit le grave contre-maître. Et quant au peu de terre dont on a besoin, il faudrait que ce fût toujours un fond de vase, ou de vase et de sable, afin qu’une ancre pût y mordre et qu’il y eût possibilité de sonder avec certitude. Combien de fois ai-je perdu, de grands plombs de sonde, sans compter des douzaines de petits, pour avoir-trouvé un fond rocailleux ! Donnez-moi une rade qui tienne bien l’ancre, et qui lâche la sonde. Mais nous avons là-bas une barque en avant de l’étrave, capitaine ; passerai-je par-dessus, ou lui ferai-je place ?

— C’est, la chaloupe ! s’écria Barnstable ; Griffith ne m’a donc pas abandonné, après tout !

Des acclamations partant de la chaloupe lui apprirent qu’il ne