Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/311

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de miss Dunscombe, qui venait les avertir qu’elles étaient attendues pour le thé. Leur amie elle-même, quoique peu portée à concevoir des soupçons, ne put s’empêcher de remarquer au premier coup d’œil qu’elle jeta sur elles, un changement dans leur air et dans leurs manières, qui semblait annoncer qu’elles n’avaient pas toujours été du même avis dans leur entretien secret. Cécile avait l’air d’être troublée, inquiète, et ses traits offraient une expression de mélancolie, tandis que les yeux brillants et les joues animées de Catherine indiquaient une émotion au moins aussi vive, mais d’une nature différente. Cependant comme ni l’une ni l’autre des deux cousines ne parla à miss Dunscombe du sujet de leur conversation, elle les suivit en silence dans le salon.

Le colonel Howard et le capitaine Borroughcliffe reçurent les trois amies avec une politesse et des égards marqués. Il y avait des moments où un air morne rendait plus sombre la physionomie naturellement franche et ouverte du premier, en dépit des efforts évidents qu’il faisait pour cacher son agitation ; mais l’officier recruteur conservait un calme et un sang-froid imperturbables. Il remarqua vingt fois les yeux de Catherine fixés sur lui avec un air d’attention qu’un autre que lui aurait peut-être eu la vanité d’interpréter favorablement ; mais ce témoignage flatteur du pouvoir qu’il avait d’attirer souvent les regards d’une jeune et jolie personne ne troubla pas un moment sa tranquillité. Ce fut en vain que Catherine chercha à lire dans ses traits ; ils étaient inflexibles comme s’ils eussent été couverts d’un masque d’airain, quoiqu’il eût des manières aussi aisées et aussi naturelles que de coutume.

Fatiguée enfin de cet examen inutile, elle regarda la pendule, et vit avec surprise que neuf heures allaient sonner. N’ayant aucun égard à un coup d’œil suppliant que lui adressa sa cousine, elle quitta sa place pour se retirer. Le capitaine Borroughcliffe se leva galamment pour lui ouvrir la porte, et tandis qu’elle le saluait pour le remercier de sa politesse, leurs yeux se rencontrèrent encore une fois. Elle se hâta de le quitter, et se trouva seule dans la galerie ; elle hésita quelques instants avant d’avancer, car elle croyait avoir remarqué dans le regard du capitaine une expression indéfinissable, qui annonçait un projet secret mêlé d’une pleine confiance ; mais il n’était pas dans son caractère d’être lente à se