Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/333

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tournant vers Griffith. De quel droit ma demeure est-elle ainsi attaquée ? Pourquoi viole-t-on la paix et la tranquillité de mon habitation et de ceux qu’elle doit protéger ?

— Je pourrais vous répondre, colonel Howard, dit Griffith, que c’est en vertu des lois de la guerre, ou, pour mieux dire, en représailles des mille maux que vos troupes anglaises ont fait souffrir à l’Amérique entre le Maine et la Géorgie ; mais je ne veux pas aigrir les choses ni ajouter au trouble de cette scène, et je me bornerai à vous dire que nous userons avec modération de l’avantage que nous avons obtenu. Du moment que nous aurons pu réunir nos forces, et que nous nous serons convenablement assurés de nos prisonniers, votre demeure sera remise sous votre autorité. Nous ne sommes pas flibustiers, Monsieur, et vous le reconnaîtrez quand nous serons partis. Capitaine Manuel, emmenez les prisonniers, et faites toutes les dispositions nécessaires pour que nous puissions regagner nos barques sans délai ; et vous, piques d’abordage, sortez, partez !

Cet ordre du jeune marin fut donné avec la vivacité sévère qui appartient à sa profession, et il opéra comme un talisman sur tous ceux qui l’entendirent. Ils sortirent de l’appartement avec le même empressement qu’ils y étaient entrés ; ceux qui y étaient venus avec Barnstable suivirent leurs camarades, et il ne resta dans la chambre que les officiers des deux partis et la famille du colonel.

Barnstable avait gardé le silence depuis que son officier supérieur avait repris le commandement, écoutant avec grande attention le moindre mot prononcé de part et d’autre ; mais se trouvant alors en moins nombreuse compagnie, et les moments lui paraissant précieux, il reprit la parole.

— Si nous allons nous remettre en mer si promptement, monsieur Griffith, dit-il, il conviendrait de faire les préparatifs convenables pour recevoir les dames qui doivent honorer nos barques de leur présence. Me chargerai-je de ce soin ?

Cette proposition soudaine causa un mouvement général de surprise. Cependant, si l’on eût bien examiné l’expression que prirent alors les traits malins de Catherine Plowden, on aurait pu voir, malgré son air de confusion, qu’au moins pour elle cette question n’avait rien d’imprévu. Un assez long silence y succéda, et ce fut le colonel Howard qui le rompit.