Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/338

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ce moment me voilà le plus heureux de tous les militaires qui portent une épaulette sans espoir d’en recevoir une seconde.

— Et de quelle manière ce changement peut-il m’être attribué, Monsieur ? demanda Catherine avec toute sa vivacité.

— Miss Plowden, répondit le capitaine avec un air d’humilité affectée, je n’en accuserai ni votre persévérance dans votre projet de seconder mes ennemis, ni votre zèle pour leur succès, ni votre sang-froid imperturbable pendant le souper ; mais je crois qu’il est temps que j’obtienne mon congé de retraite, je ne puis plus servir mon roi avec honneur, et je devrais me mettre à servir mon Dieu, comme le font tant d’autres quand le monde les met à la réforme. Je n’ai plus l’ouïe aussi fine qu’autrefois, ou le mur d’un jardin produit un effet magique pour tromper l’oreille.

Catherine n’attendit pas la fin de cette phrase pour se détourner afin de cacher la rougeur brûlante dont son visage était couvert. La manière dont Borroughcliffe avait découvert les projets de Barnstable n’était plus un mystère, et sa conscience lui reprochait aussi un peu de coquetterie inutile ; car elle se souvenait parfaitement qu’une bonne moitié de la conversation qu’elle avait eue avec son amant, derrière ce mur dont le capitaine venait de parler, avait roulé sur un sujet tout à fait étranger au plan de surprise de l’abbaye. Barnstable n’ayant pas à cet égard la même délicatesse de sentiments que sa maîtresse, et d’ailleurs entièrement occupé des moyens d’arriver à son but, ne comprit pas aussi facilement l’allusion de l’officier anglais ; se tournant tout à coup du côté de Griffith, il lui dit d’un ton fort sérieux :

— Je crois devoir vous faire observer, monsieur Griffith, que nos instructions nous prescrivent de nous emparer de tous les ennemis de l’Amérique partout où nous pourrons en trouver, et que les États n’ont pas hésité en plusieurs occasions à faire des femmes prisonnières.

— Bravo ! s’écria Borroughcliffe ; si elles refusent de vous suivre comme maîtresses, emmenez-les comme captives.

— Remerciez le ciel d’être vous-même captif, Monsieur, sans quoi vous me rendriez raison d’un pareil propos ! s’écria Barnstable courroucé. Monsieur Griffith, songez que vous êtes responsable de l’exécution de cet ordre, et que vous ne devez pas le négliger.

— Allez à votre devoir, monsieur Barnstable, dit Griffith sans