Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/353

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lui fit ses adieux avec le même attendrissement, quoique son départ d’Angleterre n’entrât pour rien dans le regret du moment. Enfin les deux cousines, s’arrachant des bras de leur amie, se mirent en chemin pour leur destination. Le colonel Howard ne voulut ni précéder ses pupilles dans la barge, ni même les aider à y monter. Ce fut Barnstable qui se chargea de ce soin, et après les avoir fait asseoir ainsi que leurs femmes de chambre, il se tourna vers les deux prisonniers.

— Messieurs, leur dit-il, la barque vous attend.

— Miss Dunscombe, dit Borroughcliffe avec un sourire amer, notre excellent hôte vient de vous donner un message pour son agent. Voudriez-vous me rendre un service du même genre ? ce serait de rédiger un rapport pour le commandant en chef du district pour l’informer de quelle manière un certain capitaine Borroughcliffe s’est conduit dans cette affaire comme un sot ; non, employez les termes les plus simples, et dites comme un âne. Vous pouvez y insérer, par forme d’épisode, qu’il a joué à cache-cache avec une jeune fille rebelle des colonies, et qu’il s’est cassé le nez pour ses peines. Allons, mon digne hôte ou plutôt mon compagnon de captivité, je vous suis, comme c’est mon devoir.

— Arrêtez ! s’écria Griffith ; le capitaine Borroughcliffe ne doit pas monter dans cette barque.

— Comment monsieur ! s’écria le capitaine, comptez-vous donc me caserner avec mes soldats ? Oubliez-vous que j’ai l’honneur d’être un officier de Sa Majesté britannique, et que…

— Je n’oublie rien de ce qu’un homme d’honneur doit se rappeler, capitaine Borroughcliffe, répondit Griffith. Je me souviens, entre autres choses, de la manière libérale avec laquelle vous m’avez traité quand j’étais prisonnier. Dès l’instant que notre sûreté le permettra, non seulement vos soldats, mais vous même, vous serez mis en liberté.

Borroughcliffe tressaillit de surprise ; mais il était trop aigri par le regret que lui avaient laissé les songes délicieux dont il s’était bercé depuis deux jours pour pouvoir répondre à ce procédé généreux comme il l’aurait fait dans tout autre moment. Il tâcha de maîtriser son émotion, et se mit à se promener le long du rivage en sifflant à demi-voix un air vif.

— Eh bien ! s’écria Barnstable, la barque est prête ; elle n’attend plus que ses officiers.