Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/363

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je puis rendre compte de leur force aussi exactement que le ferait le premier lord de l’amirauté d’Angleterre.

— Leurs noms ont été prononcés, répondit Alix avec un air de tendre mélancolie ; mais le nom d’un homme qui était bien plus près de mes pensées retentissait à mes oreilles, et m’a empêchée de les retenir.

— Vous êtes toujours la bonne Alix que j’ai connue autrefois ! Ainsi, mon nom a été prononcé ! Et que disaient-ils du pirate ? Son bras a-t-il frappé un coup qui les faisait trembler dans leur abbaye ? Osaient-ils me donner le nom de lâche ?

— On parlait de vous dans des termes qui me glaçaient le cœur, car c’est toujours une tâche facile que d’oublier le laps des années, et il est presque impossible de déraciner les premières impressions de la jeunesse.

— Il y a quelque plaisir à savoir que, malgré leurs indignes calomnies, les esclaves me redoutent dans leurs conciliabules secrets ! s’écria le pilote en marchant à grands pas devant Alix. C’est une circonstance remarquable, surtout pour ceux qui partagent votre opinion. J’espère encore voir le jour où ce nom fera trembler George III, même entre les murs de son palais.

Miss Dunscombe l’écouta en silence et d’un air mortifié. Il n’était que trop évident qu’un anneau venait de se rompre dans la chaîne de leurs sentiments réciproques, et que sa présence ne faisait pas éprouver à son ancien amant l’émotion qu’elle sentait elle-même en le revoyant ; elle baissa un instant la tête, et, la relevant avec son air de douceur ordinaire, elle lui dit d’un ton encore plus calme :

— Je vous ai communiqué tout ce qu’il est utile que vous sachiez ; maintenant il est temps que nous nous séparions.

— Quoi ! si promptement ! s’écria-t-il en tressaillant et en lui prenant la main. Cette entrevue a été bien courte, Alix, pour précéder une si longue séparation !

— Que notre entrevue ait été courte ou longue, il est temps qu’elle finisse. Vos compagnons sont au moment de partir, et je suppose que vous êtes un des derniers qui voudraient être laissés sur les côtes d’Angleterre. Si vous y revenez jamais, je souhaite que ce soit avec d’autres sentiments à l’égard de votre patrie. Adieu, John ; puissiez-vous être heureux et obtenir la bénédiction du ciel autant que vous vous en montrerez digne !