Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/38

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l’homme en est capable, Messieurs, il faut que nous gagnions le large, et sans perte de temps.

— Vous ne nous dites là, Monsieur, que ce que le dernier des mousses comprend parfaitement, dit Griffith. Ah ! voici le schooner !

Le bruit des longs avirons de l’Ariel se faisait effectivement entendre, et l’on vit bientôt le petit schooner s’avancer lentement dans l’obscurité. Il passa à peu de distance de la poupe de la frégate, et la voix toujours enjouée de Barnstable fut la première qu’on entendit.

— Voilà une nuit où il faudrait de bonnes lunettes, capitaine Munson ! s’écria-t-il. Mais je crois avoir entendu le son de votre fifre. S’il plaît à Dieu, vous n’avez pas dessein de rester ici sur une ancre jusqu’au matin ?

— Je n’aime pas cet ancrage plus que vous ne l’aimez, monsieur Barnstable, répondit le vétéran avec son ton ordinaire de tranquillité, quoiqu’il fût évident qu’il commençait lui-même à devenir inquiet. Nous sommes sur une ancre, et nous craignons de la laisser quitter le fond, de peur que la mer ne nous jette à la côte. Quel vent avez-vous ?

— Quel vent ? Il n’y en a pas assez pour faire remuer une boucle de cheveux sur la tête d’une femme. Si vous attendez que la brise de terre enfle vos voiles, je crois que vous attendrez jusqu’à la nouvelle lune. J’ai tiré ma coquille d’œuf de cette carrière de rochers noirs ; mais comment ai-je eu ce bonheur dans l’obscurité ? il faudrait être plus habile que moi pour le dire. Et que dois-je faire maintenant ?

— Recevez vos instructions du pilote, monsieur Barnstable, et suivez-les à la lettre.

Un silence, semblable à celui de la mort, succéda à cet ordre à bord des deux vaisseaux, et chacun écouta avec avidité les paroles qui sortirent de la bouche de l’homme sur qui chacun sentait alors que reposait tout espoir de salut. Quelques instants se passèrent avant que sa voix se fît entendre, et il parla d’un ton bas, mais très-distinct.

— Vos avirons ne vous seront pas longtemps utiles contre la mer qui commence à s’élever ; mais vos petites voiles vous aideront à avancer. Tant que vous pourrez marcher est-quart-nord-est, tout ira bien, et vous pouvez continuer ainsi jusqu’à