Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/421

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dangereuse dans ce climat, l’un recommandant la sobriété pour la faire périr d’inanition, l’autre voulant la noyer par des libations répétées du cordial qu’il avait été chercher si loin, la fièvre resta maîtresse du champ de bataille et emporta le malade le troisième jour. Borroughcliffe fut enterré à côté de son ami, dans l’île même qui avait été si longtemps le théâtre de leurs plaisirs.

Le lecteur nous pardonnera d’avoir rapporté avec autant de détail la fin de ces deux capitaines rivaux et amis. Cette scène un peu tragique ne laissera pas une impression trop pénible sur son esprit, s’il veut faire attention que ni l’un ni l’autre ne laissa de veuve ni d’enfants pour le regretter ; qu’ils étaient mortels, et que par conséquent ils devaient s’attendre à mourir tôt ou tard ; enfin qu’ils avaient tous deux passé leur soixantième année quand cet événement arriva.

Le chapelain renonça à la mer, et reprit ses culottes noires, à la grande satisfaction de Catherine, qui demandait quelquefois à son mari s’il était bien sûr qu’un mariage célébré par un ministre en pantalon de marin fût parfaitement solide.

Griffith et son épouse inconsolable transportèrent le corps du colonel Howard dans une des principales villes de la Hollande, où il reçut les honneurs de la sépulture ; après quoi le jeune homme fit un voyage à Paris pour tâcher d’effacer de l’esprit de sa compagne les tristes images qu’y avait laissées la mort funeste de son oncle. De la elle entra en correspondance avec son amie miss Dunscombe, et les affaires du colonel Howard en Angleterre furent arrangées aussi bien que les circonstances du temps le permettaient.

Griffith, ayant obtenu ensuite le commandement qui lui avait été offert avant sa croisière dans la mer du Nord, retourna en Amérique, et continua à servir sa patrie jusqu’à la fin de la guerre ; après quoi il quitta la marine, et passa le reste de sa vie à remplir les devoirs d’époux, de père et de citoyen.

Le colonel Howard avait quitté l’Amérique par orgueil plutôt que par nécessité ; il n’avait jamais porté les armes contre elle ; ses biens confisqués pour la forme n’avaient pas été vendus, et il ne fut pas très-difficile à Griffith d’obtenir que sa femme fût remise en possession. Chacun des deux jeunes époux se trouva donc maître d’une fortune considérable, et nous saisirons cette occasion pour dire que Griffith n’oublia pas la promesse qu’il avait