Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/45

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mugissement distinct mais éloigné annonçait l’approche de la tempête qui troublait depuis si longtemps la tranquillité des eaux. Griffith lui-même, en se servant de son porte-voix pour donner ses ordres d’une voix de tonnerre et presser les matelots d’accélérer la manœuvre, s’interrompait de temps en temps pour jeter un regard inquiet dans la direction de l’orage qui s’avançait, et les marins placés sur les vergues jetaient de temps en temps un coup d’œil du même côté, tout en nouant les ris et en passant les garcettes qui devaient réduire les huniers dans les limites prescrites.

Le pilote seul, parmi cette foule empressée, au milieu de laquelle les cris répondaient aux cris sans un instant d’intervalle, semblait aussi tranquille que s’il n’avait eu aucun intérêt à l’événement. Les bras croisés, et les yeux constamment fixés sur cette masse menaçante, foyer de la tempête, il avait l’air d’en attendre l’arrivée avec le plus grand calme.

Le vaisseau était tombé sur le côté et était devenu de plus en plus difficile à gouverner. Ses voiles étaient déjà pliées quand le bruit effrayant des ondes redoubla, et fit éprouver ce frisson involontaire dont un marin ne peut s’empêcher d’être saisi quand la nuit et le danger se réunissent contre lui.

— Le schooner doit être en ce moment exposé à toute la fureur de la tempête, s’écria Griffith ; mais je connais Barnstable, il tiendra jusqu’au dernier moment. Fasse le ciel que l’ouragan lui laisse assez de voiles pour s’éloigner du rivage !

— Ses voiles sont faciles à manœuvrer, dit le commandant, et il doit être maintenant hors du plus grand danger. Mais il n’en est pas de même de nous, monsieur Gray. Essaierons-nous de sonder ?

Le pilote quitta son attitude de méditation et s’avança lentement vers le vétéran avec l’air d’un homme qui sent non seulement que tout dépend de lui, mais qu’il est en état de faire ce qu’on en attend.

— Cela n’est pas nécessaire, dit-il, ce serait une destruction certaine que d’être forcés en arrière, et il est difficile de dire de quel point le vent peut nous frapper.

— Cela ne l’est plus, s’écria Griffith ; car le voilà qui arrive, et c’est tout de bon.

Le jeune lieutenant avait à peine prononcé ces mots que le