Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/49

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jeune officier avait données avec confiance de la bonté de la frégate et des efforts dont il se sentait capable. La barre du gouvernail ne fut pas plus tôt placée sous le vent, que le vaisseau marcha bravement contre le vent, fit jaillir l’écume des vagues comme pour défier l’ouragan, et cédant ensuite avec grâce à sa puissance, il courut une autre bordée, en s’écartant des dangereux écueils vers lesquels il s’avançait auparavant avec tant de rapidité. Les vergues pesantes tournèrent comme si elles eussent été des girouettes chargées d’indiquer le courant de l’air, et en peu d’instants la frégate fendit les flots avec majesté, laissant derrière elle les écueils et les rochers dont cet endroit était rempli, mais s’approchant d’un autre où il s’en trouvait encore qui menaçaient du même danger.

Pendant ce temps, la mer devenait plus agitée, et la violence du vent allait toujours croissant. Il ne se contentait plus de siffler en rencontrant les mâts et les cordages de la frégate, il semblait rugir de colère en surmontant chaque obstacle. Les vagues couvertes d’une écume plus blanche que la neige s’élevaient successivement, et l’air même brillait de la lumière qui se dégageait de l’Océan. De moment en moment, le navire cédait de plus en plus aux efforts de la tempête, et moins d’une demi-heure après qu’on eut levé l’ancre, un coup de vent furieux l’entraîna. Cependant les marins expérimentés qui veillaient à sa sûreté parvinrent à le maintenir dans la direction qu’il était indispensable qu’il suivît ; Griffith continuait à transmettre à l’équipage des ordres qu’il recevait du pilote inconnu pour forcer le bâtiment à suivre l’étroit canal hors duquel il eût été perdu.

Jusque-là le pilote avait paru s’acquitter de ses devoirs avec beaucoup d’aisance, car il donnait tous ses ordres d’un ton calme qui contrastait avec la responsabilité de sa situation. Mais quand, l’obscurité ayant redoublé, on eut perdu la terre de vue, et que la mer agitée couvrit d’écume les flancs du navire, il secoua tout à coup son apathie, montra toute l’énergie que la circonstance exigeait, et fit entendre sa voix au-dessus du mugissement monotone de la tempête.

— Surveillez bien la marche du vaisseau, monsieur Griffith, s’écria-t-il, le moment est venu. Nous avons ici la vraie marée, et c’est ici que se trouvent les périls véritables. Placez dans les chaînes votre meilleur quartier-maître, et qu’un officier se tienne