Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/64

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soustraire et me laisser maîtresse de mes actions, si je dois croire vos belles promesses, je supporterai tout cela parfaitement, étant bien résolue à tout souffrir, excepté le martyre, plutôt que d’abandonner ma chère Cécile.

« Cette pauvre fille a beaucoup plus de causes de chagrin que je n’en ai, car elle est non seulement la pupille du colonel Howard, mais sa nièce et sa seule héritière. Je suis convaincue que cette dernière circonstance n’occasionne aucune différence dans la conduite et les sentiments de ma cousine ; mais le colonel paraît croire qu’elle lui donne le droit de la tyranniser en toute occasion. Après tout, quand on ne le met pas en colère, c’est véritablement un digne homme, et Cécile a même pour lui de l’affection ; mais un homme qui, dans sa soixantième année, est obligé de quitter son pays en perdant près de la moitié de sa fortune, n’est pas disposé à canoniser ceux qui ont amené un pareil changement.

Il paraît que lorsque les Howard habitaient l’Angleterre, il y a environ un siècle, ils demeuraient dans le comté de Northumberland. C’est sans doute pour cela qu’il nous y conduisit quand les événements politiques et la crainte de devenir oncle d’un rebelle le déterminèrent à abandonner l’Amérique pour toujours, comme il le dit. Il y a trois mois que nous y sommes, et pendant les deux tiers de cet espace de temps nous y avons vécu assez paisiblement ; mais depuis que les journaux ont annoncé l’arrivée en France de la frégate de Griffith et de votre schooner, nous avons été mises sous une surveillance aussi stricte que si vous étiez sur le point de chercher à nous enlever comme dans la Caroline.

« En arrivant ici, le colonel a loué un vieux bâtiment qui est à la fois maison, abbaye, château-fort et surtout prison ; il lui a donné la préférence, parce qu’on dit que c’était une propriété de ses ancêtres. Il se trouve dans cette demeure délicieuse assez de cages pour y garder des oiseaux qui auraient de meilleures ailes que nous. Il y a environ quinze jours, l’alarme se répandit dans un village voisin de nous, situé près de la côte, attendu qu’on avait vu à peu de distance de terre deux vaisseaux américains qui, d’après la description qu’on m’en fit, me parurent être les vôtres ; et comme on ne songe ici qu’à ce terrible Paul Jones, on s’imaginait qu’il était à bord d’un de ces deux navires. Mais je crois que le colonel Howard soupçonne la vérité, car je sais qu’il a pris les informations les plus minutieuses sur vos deux bâtiments ; et