Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 3, 1839.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est M. Gray, répondit le capitaine ; ses services nous seront nécessaires en cette occasion, et par conséquent il est utile de ne lui rien cacher.

Les jeunes officiers se regardèrent d’un air de surprise, et Griffith fit un signe de tête respectueux pour annoncer qu’il acquiesçait à la décision de son officier supérieur. Le capitaine reprit la parole.

— J’avais ordre, dit-il, d’attendre certains signaux qui devaient m’être faits de terre ; signaux que j’ai effectivement aperçus. J’avais reçu les meilleures cartes, et des instructions qui m’ont mis en état d’entrer dans la baie que nous avons quittée hier au soir. Nous avons maintenant un pilote, et un pilote, Messieurs, qui nous a donné de telles preuves d’habileté, qu’aucun de nous ne peut hésiter, en quelque occasion que ce soit, à compter sur ses connaissances comme sur son intégrité.

Le capitaine se fut un instant pour jeter les yeux successivement sur tous ses officiers, comme s’il eût voulu recueillir leurs opinions sur ce point important. Chacun d’eux ayant fait une inclination de tête qui annonçait son approbation, il reprit la parole, en jetant un coup d’œil de temps en temps sur un papier qu’il tenait à la main.

— Vous savez tous, Messieurs, que la malheureuse question de représailles a été vivement agitée entre les deux gouvernements, le nôtre et celui de l’ennemi. Pour cette raison, et dans certaines vues politiques, nos commissaires à Paris jugent important que nous nous emparions de quelques individus marquants en Angleterre, tant pour nous servir d’otages contre les procédés de nos ennemis, que pour faire sentir les maux de la guerre sur leurs propres rivages à ceux qui les ont occasionnés. Nous sommes maintenant à portée de mettre ce plan à exécution, et je vous ai assemblés pour vous consulter sur les moyens que nous devons employer.

Un profond silence succéda à cette communication inattendue du but de la croisière. Après une courte pause le capitaine s’adressa au quartier-maître :

— Quelle marche me conseilleriez-vous de suivre, monsieur Boltrop ?

Le vieux marin, sommé ainsi de donner son opinion sur un point difficile, étendit une de ses grosses mains sur la table, et