Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/72

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die, par le nouveau plan dont nous avons parlé. Mais, satisfaits des avantages solides, qu’ils avaient obtenus, pacifiques par habitude, et pleins de franchise et de loyauté par principe, les colons riaient tout bas du simulacre de pouvoir de ceux qui se croyaient leurs maîtres, et se félicitaient les uns les autres de la victoire plus réelle qu’ils avaient remportée.

Si les ministres, instruits par l’expérience, eussent renoncé à un projet dangereux, l’orage se serait dissipé, et un autre siècle aurait été témoin des événements que nous allons rapporter. Mais à peine les esprits étaient-ils calmés, que le ministère essaya de faire revivre ses prétentions sous une forme nouvelle.

Lorsqu’on avait voulu lever un impôt en créant le papier timbré, le peuple avait facilement rendu cette mesure illusoire en refusant de se servir du papier prescrit ; mais dans celle dont il s’agit, on crut avoir trouvé un expédiant beaucoup plus efficace, je veux parler du droit sur le thé. C’était la compagnie des Indes qui le payait d’abord, mais on comptait bien le faire rembourser par les Américains, en frappant une denrée de luxe, à la vérité, mais que l’habitude leur avait rendue presque nécessaire. Ces nouveaux empiétements sur leurs droits furent repoussés par les colons avec autant de vivacité mais avec plus de mécontentement que les premiers. Toutes les provinces méridionales des grands lacs agirent de concert en cette occasion ; elles prirent dès lors des mesures énergiques, non seulement pour que leurs pétitions

    gleterre affectant d’agir par les ordres du souverain, il était difficile à l’Amérique, de nier ses droits, bien qu’il soit évident qu’en ce qui concernait le lien entre les deux pays, ces droits avaient été violés lorsque le roi avait changé de position. Il serait facile d’imaginer des circonstances dans lesquelles l’aristocratie anglaise, pour protéger ses intérêts locaux, envahirait les droits des Américains, et dans lesquelles aussi un roi, qui aurait une souveraineté égale sur les deux contrées, opposerait son veto. Mais la révolution de 1688 donna le coup de grâce au pouvoir législatif de la couronne.
    On devrait toujours se rappeler que jamais l’Angleterre, de jure ni de facto, ne gouverne l’Amérique. Toute la Nouvelle-Angleterre était presque aussi démocratique, sinon tout à fait, avant la révolution qu’elle l’a été depuis, et les autres colonies l’étaient plus ou moins. Ainsi, Rhode-Island n’a pas d’autre constitution aujourd’hui que son ancienne charte, et le Connecticut ne changea sa charte pour une constitution qu’en 1818. Ces deux États ont toujours choisi leurs représentants. Ces immunités extraordinaires furent accordées comme encouragement à des aventuriers, et lorsque la couronne voulut les détruire, le peuple menaça de résister et les conserva. La tentative sans succès de sir Edward Andros, en 1686, pour priver le Connecticut de sa charte est bien connue. Ces innovations, qui furent tentées dans d’autres colonies, réconcilièrent probablement les Américains avec les changements de 1688.
    Ceux qui ont étudié avec soin la théorie de l’allégeance de l’Amérique verront qu’elle était soumise à des contradictions qui tôt ou tard devaient produire une crise.