Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et bien certainement jamais on n’avait vu un clocher semblable.

Les travaux en étaient là ; rien n’avait encore été fait pour la distribution et la décoration de l’intérieur, et c’était ce qui causait à Richard le plus d’embarras et d’inquiétude. Il savait que, s’il proposait seulement un lutrin, c’était jeter le masque, car on ne les admettait en Amérique que dans les églises de la religion épiscopale. Il profita pourtant des avantages qu’il avait déjà obtenus pour faire un pas de plus, et il donna hardiment à cet édifice le nom de Saint-Paul. Hiram y consentit prudemment, mais il proposa une légère addition à ce nom, et on l’appela définitivement le nouveau Saint-Paul, car il avait moins de répugnance à emprunter le nom d’une cathédrale anglaise que celui d’un saint du calendrier.

Le piéton qui s’était arrêté en contemplation devant ce monument était le personnage dont nous avons déjà parlé plus d’une fois, M. ou le squire Hiram Doolittle, juge de paix et architecte. C’était un homme grand, sec et maigre, dont les traits durs et vulgaires annonçaient en même temps la suffisance, la petitesse et l’astuce.

Richard s’approcha de lui, suivi de M. Le Quoi et du majordome.

— Bonsoir, monsieur Doolittle, lui dit-il en faisant un mouvement de tête, sans ôter ses mains de ses poches.

— Bonsoir, monsieur Jones, répondit Hiram en tournant vers lui le corps et la tête, car l’un suivait invariablement l’autre.

— Voilà une nuit froide, monsieur Doolittle, une nuit très-froide.

— Un peu fraîche, monsieur Jones, un peu fraîche.

— Et vous êtes là à regarder notre église. Elle a bonne mine au clair de lune. Voyez comme l’étain du dôme reluit ! je vous garantis que celui de l’autre Saint-Paul ne brille jamais ainsi au milieu de la fumée de Londres.

— C’est vraiment une jolie maison pour recevoir une congrégation de fidèles. Elle fait plaisir à voir, et je suis sûr que M. Le Quoi et M. Penguillan sont de mon avis.

— Certainement, dit le complaisant Français, elle est magnifique !

— J’étais sûr que le monsir[1] en conviendrait. La dernière mé-

  1. The Mounsheer : c’est ironiquement que M. Hiram désigne ainsi le Français de l’établissement.