Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/128

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l’accepta, et, s’entretenant alors de choses indifférentes, ils arrivèrent à la maison du ministre.

M. Grant et John Mohican s’étaient arrêtés à la porte pour les attendre ; le premier s’efforçant de déraciner par ses préceptes religieux et moraux les principes peu chrétiens qu’il avait découverts dans le second ; et le vieil Indien l’écoutant avec attention, mais sans se montrer convaincu autrement que par un silence respectueux.

Dès que les jeunes gens furent arrivés, ils entrèrent dans la maison. Elle était située à quelque distance du village, au milieu d’un champ encore rempli de souches de pins, qu’on distinguait par les monticules de neige qu’elles formaient et qui s’élevaient à environ deux pieds. L’extérieur de la maison offrait de grandes traces de la négligence et de la précipitation avec lesquelles on construit les premières maisons dans un pays nouvellement habité ; mais l’intérieur et était assez commode, et du moins la plus grande propreté y régnait.

La première pièce dans laquelle ils entrèrent semblait destinée à servir de salle à manger, quoiqu’une grande cheminée fût arrangée de manière à indiquer qu’elle servait aussi quelquefois de cuisine. Un bon feu y avait été allumé, et la clarté qu’il produisait rendait presque inutile le secours de la chandelle que Louise alluma. Le milieu de la salle était couvert d’un tapis de manufacture du pays ; et, à l’exception d’une table à ouvrage et d’une bibliothèque de forme antique en acajou, le mobilier était tout ce qu’on pouvait trouver de plus simple et de meilleur marché. Contre les murs on voyait suspendus, dans des cadres de bois noirci, quelques paysages brodés à l’aiguille.

Un de ces dessins représentait un tombeau sur lequel une jeune fille répandait des larmes. Sur ce tombeau étaient inscrits les noms de plusieurs individus, tous portant le nom de Grant. Ce fut ainsi qu’Edwards apprit que le ministre était veuf, et que la jeune fille qui s’était appuyée sur son bras, chemin faisant, était tout ce qui lui restait de six enfants qu’il avait eus.

Chacun s’assit devant le bon feu qui brillait dans la cheminée. Louise quitta une redingote de soie un peu fanée, et un petit chapeau de paille qui convenait mieux à ses traits modestes et ingénus qu’à la rigueur de la saison, et, s’étant assise entre son père et Edwards, M. Grant adressa de nouveau la parole au jeune homme.