Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/148

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drais que vous fissiez toujours de même. Oui, oui, les Français sont de bons soldats, et de jolis garçons, par-dessus le marché. Je me souviens que quand je conduisais ma charrette, comme vivandière, pendant que vous étiez en avant avec la milice, j’ai rencontré un régiment français qui rejoignait l’armée, et je n’ai pas eu la peine d’aller plus loin pour trouver le débit de ma marchandise. Mais ont-il payé ? me demanderez-vous. À coup sûr, ils ont payé, et en belles couronnes françaises ; du diable s’ils avaient entre eux tous un chiffon de papier américain. Que Dieu me pardonne de jurer, mais c’est qu’ils ont payé en bel et bon argent. Et avec eux, sur six verres, il y en a un qui est tout profit, parce qu’en vous le rendant, ils laissent toujours quelque chose au fond. Or vous sentez que le commerce va bien, juge, quand les pratiques paient bien et n’y regardent pas de trop près.

— Et cela vous a profité, mistress Hollister, dit Marmaduke. Mais où est donc Richard ? À peine était-il assis que je l’ai vu se lever pour sortir, et il est absent depuis si longtemps que je crains qu’il ne soit gelé quelque part.

— Ne craignez rien, cousin ’Duke, ne craignez rien ! s’écria M. Jones qui rentrait en ce moment. Les affaires réchauffent, même pendant la nuit la plus froide. Betty, votre mari m’a dit en sortant de l’église qu’il craignait que ses porcs ne devinssent ladres. J’ai été les voir, et j’ai reconnu qu’il avait raison. J’ai couru chez vous, docteur, et j’ai demandé à votre apprenti quelques ingrédients que j’ai mêlés avec de la lavure de vaisselle, et que j’ai jetés dans leur auge. À présent, je réponds de tout, et je gage un daim contre un écureuil qu’ils se porteront bien avant la fin de la semaine. Allons, mistress Hollister, j’attends un pot de flip[1] maintenant.

— Il est tout prêt, monsieur Jones, répondit l’hôtesse, je savais bien qu’il vous en faudrait un. Mon cher sergent, servez donc M. Jones ; le pot est auprès du feu. Eh non ! pas celui-là, le plus grand ; bien. Goûtez cela, monsieur Jones, et j’ose dire que vous en serez satisfait.

— Il est parfait, Betty, répliqua Richard ; personne ne sait parer le flip comme vous. Vous voilà, John ! tenez, goûtez-le. Buvez, buvez ; moi, vous et le docteur, nous avons fait ce soir

  1. Flip : c’est un mélange de petite bière, d’eau-de-vie et de sucre, avec l’addition d’un citron. Ce breuvage est un régal favori des marins anglais et américains.