Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/156

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sabeth qui se promenait dans le salon en réfléchissant sur les scènes de sa jeunesse, sur le changement survenu dans sa situation, et peut-être aussi sur les événements de la journée, un non-seulement de crainte respectueuse dont la femme de charge ne se serait pas crue susceptible semblait lui coller la langue au palais. Elle se décida enfin à ouvrir la conversation par un sujet propre à réduire tous les hommes au même niveau, et qu’elle croyait pouvoir traiter de manière à déployer ses talents.

— M. Grant nous a prêché ce soir un sermon bien peigné, dit-elle ; tous les ministres de son Église prononcent toujours de beaux discours ; mais il faut dire qu’ils mettent d’avance leurs idées par écrit, ce qui est un grand privilège ; car je doute, qu’ils fussent en état de prêcher d’abondance de cœur comme les prédicateurs du culte debout[1].

— Qu’entendez-vous par les prédicateurs du culte debout ? demanda Élisabeth.

— J’entends les presbytériens, les anabaptistes, répondit Remarquable, et tous ceux qui ne se mettent pas à genoux pour prier.

— Par conséquent vous appelleriez la religion de mon père le culte assis, dit Élisabeth en riant.

— Bien certainement, miss Élisabeth, répliqua Remarquable, je ne me suis jamais permis de parler d’une manière inconvenante de monsieur votre père, ni de personne de sa famille. Je sais que les quakers, comme on les appelle, sont des gens prudents et industrieux. Dans leurs réunions, ils restent assis bien tranquilles, et pour la plupart du temps, personne n’y ouvre la bouche. Dans vos églises, au contraire, il faut qu’on change de posture à chaque instant ; j’en puis parler, car j’y avais déjà été une fois avant de venir à Templeton, et je croyais vraiment être à un concert.

— Vous me faites apercevoir un avantage de notre culte auquel je n’avais pas encore fait attention, dit Élisabeth ; mais je me sens fatiguée, et j’ai dessein de me retirer. Voulez-vous bien voir s’il y a du feu dans ma chambre ?

Mistress Pettibone mourait d’envie de répondre à sa jeune maîtresse qu’elle pourrait le voir en y montant elle-même ; mais la

  1. Outre ces expressions bizarres qui embarrassent même les personnes qui sont familiarisées avec son genre d’esprit, Remarquable Pettibone à son jargon à part ou son patois comme les autres personnages secondaires du roman.