Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/209

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Kirby. Je puis vous vendre d’aussi bon sucre que vous en pouvez trouver dans tout le pays. Vous n’y rencontrerez pas plus d’ordure qu’on ne voit de souches dans les plaines allemandes, et vous y reconnaîtrez le goût de l’érable. On le vendrait à York pour du sucre candi.

Le Français s’approcha de l’endroit où Kirby avait déposé son sucre confectionné, sous un petit appentis d’écorces d’arbres, et commença à l’examiner avec l’air d’un connaisseur. Marmaduke était descendu de cheval pour voir de plus près les arbres et les travaux, et l’on entendait souvent sortir de sa bouche une expression de mécontentement, en voyant le peu de soin qu’on apportait à toute cette besogne.

— Vous passez pour avoir de la pratique dans cette fabrication, dit-il à Kirby ; quelle marche suivez-vous pour faire votre sucre ? Pourquoi n’avez-vous que deux chaudières ?

— Deux chaudières font d’aussi bonne besogne que deux mille, monsieur le juge, répondit le bûcheron ; je ne fais pas tant de façons pour mon sucre que ceux qui en fabriquent pour le vendre aux riches ; mais celui qui aime la vraie saveur du sucre d’érable peut goûter celui-ci. D’abord, je choisis mes arbres, ensuite je les perce, ce qui se fait sur la fin de février, ou peut-être, sur ces montagnes, vers la mi-mars, c’est-à-dire quand la sève commence à monter…

— Et avez-vous quelque signe extérieur qui vous guide dans ce choix, et vous fasse reconnaître la qualité de l’arbre ?

— En toute chose il faut du jugement, monsieur Temple ; il faut savoir aussi quand et comment on doit remuer la liqueur qui bout, comme vous me le voyez faire en ce moment. Ce sont des choses qu’il faut apprendre. Rome n’a point été bâtie en un jour, ni Templeton non plus, quoique les maisons semblent y pousser comme des champignons. Jamais je ne m’avise de percer un arbre rabougri, et dont l’écorce n’est pas bien saine, bien fraîche et bien unie ; car les arbres ont leurs maladies comme les hommes, et prendre un arbre malade pour en tirer de bonne sève, c’est comme si l’on prenait un cheval fourbu pour courir la poste, ou une hache à tranchant émoussé pour abattre du pin.

— Tout cela est fort bon, Billy ; mais à quel signe distinguez-vous un arbre malade de celui qui est bien portant ?

— Comment un docteur reconnaît-il qu’un homme à la fièvre ?