Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/223

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qu’elles restaient cachées sous une croûte poreuse, qui, saturée de fluide, n’avait que la force nécessaire pour maintenir la continuité des parties qui la composaient. On voyait passer des troupes nombreuses d’oies sauvages qui s’arrêtaient un instant autour du lac, comme si elles eussent voulu s’y plonger, mais qui, en trouvant les eaux encore cachées sous une couverture glacée, reprenaient leur vol en poussant des cris discordants, comme se plaignant des retards de la nature.

Pendant quelques jours, le lac de l’Otsego resta la possession paisible de deux aigles, qui, placés ordinairement au centre de la croûte de glace qui le couvrait encore, semblaient mesurer de l’œil l’étendue de leur domaine. Les troupes d’oiseaux de passage qui arrivaient successivement, respectant ces fiers monarques de l’air, évitaient de passer au-dessus du lac, et faisaient un détour pour gagner les forêts et les montagnes qui pouvaient mieux les protéger, tandis que les maîtres superbes du lac levaient vers le ciel leur tête blanche et chauve, comme s’ils eussent voulu percer le firmament de leurs regards. Mais le moment arrivait où ces rois des oiseaux allaient être à leur tour dépossédés de leur empire.

À l’extrémité inférieure du lac, à l’endroit où le courant du ruisseau avait empêché la formation de la glace, même dans le plus fort du froid, l’eau avait graduellement empiété sur elle, et, un vent du sud assez fort commençant à souffler, il s’y forma de petites vagues, imitant celles de l’océan. La glace n’était plus assez forte pour leur résister ; elle se fendit avec une rapidité presque magique et se divisa en glaçons de différentes tailles qui, flottant sur la surface du lac, allaient s’accumuler sur la rive septentrionale. Les deux aigles prirent alors leur essor au plus haut des cieux, tandis que les vagues agitées semblaient célébrer, par une danse joyeuse, la fin de la captivité sous laquelle elles avaient été retenues pendant cinq mois.

Peu de jours après, Élisabeth fut éveillée par le chant des hirondelles, qui commençaient déjà à se construire des nids au-dessus de ses fenêtres, et par les cris de Richard, qui l’appelait à haute voix.

— Allons, levez-vous, levez-vous, ma jolie cousine. Le ciel est couvert de pigeons ; vous auriez les yeux tournés vers le ciel pendant une heure avant de trouver une percée pour apercevoir le soleil. Levez-vous, paresseuse levez-vous ; Benjamin prépare