Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/227

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la tête en tirant, et qui poussait de grands éclats de rire en voyant ses victimes tomber jusque sur sa tête. Il entendit ce que Natty venait de dire, et se chargea de lui répondre.

— Qu’as-tu donc, vieux Bas-de-Cuir ? cria-t-il ; faut-il gronder ainsi parce que nous tuons quelques pigeons ? Si tu avais été obligé, comme moi, d’ensemencer un champ deux ou trois fois, parce qu’ils en avaient dévoré la graine, tu n’aurais pas tant de pitié pour ces mange-tout ! Courage ! enfants, courage ! abattez ces pillards ! cela vaut mieux que de tirer sur un dindon.

— Cela peut valoir mieux pour vous, Billy Kirby, répondit le vieux chasseur avec indignation, et pour tous ceux qui ne sont pas en état d’envoyer une balle à son but ; mais c’est une indignité que de tirer ainsi dans une volée d’oiseaux pour en faire une dévastation ! Cela n’est permis qu’à celui qui n’est pas en état d’en abattre un séparé des autres. Si quelqu’un a envie de manger un pigeon, sans contredit le pigeon est fait pour l’usage de l’homme comme les autres créatures ; mais il ne faut pas en tuer vingt pour en manger un ! Quand cette fantaisie me prend, j’entre dans les bois, je choisis celui qui me convient, et je l’abats sans toucher à une plume des autres, quand il y en aurait cent sur le même arbre. Mais ce n’est pas vous qui feriez cela, Billy Kirby ; vous n’oseriez seulement l’essayer.

— Que dis-tu là, vieil épi desséché, vieil érable sans sève ? s’écria le bûcheron. Tu es devenu bien fier pour avoir tué un dindon. Mais si tu veux un pigeon séparé des autres, regarde celui-là, il est mort.

Le feu qu’on faisait à quelque distance sur une troupe de pigeons qui passaient en avait tellement effrayé un, que, s’écartant de ses compagnons, il venait en droite ligne vers l’endroit où nos deux interlocuteurs étaient placés. Malheureusement pour le bûcheron, il n’eut pas la patience d’attendre le temps nécessaire, et, lâchant son coup quand le pigeon était au-dessus de sa tête, il le manqua, et l’oiseau continua son vol avec rapidité.

Natty, pendant ce temps, avait armé son fusil. Suivant des yeux le vol de l’oiseau, qui se dirigeait obliquement vers le lac, il le laissa filer un instant, fit feu, et, soit hasard, soit adresse, soit l’un et l’autre, l’oiseau percé tomba dans l’eau. Les deux chiens de Bas-de-Cuir se mirent en course aussitôt, et Hector ne tarda pas à rapporter à son maître le pigeon expirant.