CHAPITRE XXIII.
es progrès de la belle saison devenaient enfin aussi rapides
qu’ils avaient été lents jusque alors. Pendant la journée, l’air était
uniformément doux et favorable à la végétation, et si les nuits
étaient encore fraîches, elles n’étaient plus accompagnées de
gelée. Les buissons retentissaient du chant de mille oiseaux ; les
feuilles du peuplier américain tremblaient dans les bois, les arbres
des forêts commençaient à se revêtir de leur parure ; le chêne
tardif poussait même ses premiers boutons, et le martin-pêcheur
épiait sa proie sur les bords du lac.
Ce lac était renommé par l’abondance et la qualité des poissons qu’il nourrissait. À peine la glace avait-elle disparu, que des barques s’y étaient montrées, portant des pêcheurs armés de lignes qui offraient un appât séducteur aux habitants de ses ondes. Mais la pêche à l’hameçon était un moyen trop lent pour l’impatience de Richard Jones, et comme la saison venait d’arriver où la pêche à la seine était permise, d’après les dispositions de la loi que le juge Temple avait sollicitée lui-même, il annonça son intention de se donner ce divertissement la nuit suivante.
— Et vous y assisterez, cousine Bess, ajouta-t-il, et vous aussi, miss Grant, et je vous ferai voir, monsieur Edwards, ce que c’est que pêcher ; car ce n’est pas pêcher que de passer des heures entières, comme le cousin ’Duke, à se griller sous un soleil ardent, ou à se morfondre devant un trou fait à la glace pour prendre une malheureuse truite saumonée, et souvent même pour ne rien prendre, après toute cette mortification de la chair. Non, non, parlez-moi d’une bonne seine de cinquante à soixante toises de longueur ; donnez-moi de bons rameurs pour conduire la barque,