Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/256

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placer par mon cousin Richard, dont l’absence en ce moment ne serait pas sans inconvénient, vu les fonctions qu’il a à remplir !

— Si cette affaire est de nature à ce que je puisse m’en charger…

— Elle est de nature à ne pouvoir être confiée qu’à quelqu’un que nous connaissions bien.

— Ne me connaissez-vous donc pas, miss Temple ? Ai-je vécu cinq mois dans votre maison sans être connu de vous ?

Élisabeth travaillait aussi à l’aiguille. Elle baissa la tête de côté comme pour arranger la mousseline qu’elle brodait ; mais sa main tremblait : ses joues prenaient une couleur plus vive, et ses yeux perdaient l’expression de la mélancolie pour prendre celle d’un intérêt plus puissant que la curiosité.

— Et comment vous connaîtrions-nous, monsieur Edwards ? lui demanda-t-elle.

— Comment ! s’écria-t-il en regardant tour à tour Élisabeth et Louise, dont les traits pleins de douceur étaient aussi animés que ceux de sa compagne ; vous m’avez vu tous les jours depuis si longtemps et vous ne me connaissez pas !

— Oh ! pardonnez-moi, dit Élisabeth avec un sourire malin ; nous savons que vous vous nommez Olivier Edwards ; et même que vous avez donné à entendre à mon amie, à miss Grant, que vous êtes naturel de ce pays.

— Ma chère Élisabeth, s’écria Louise, agitée comme une feuille de tremble et rougissant jusqu’au blanc des yeux, vous m’avez mal comprise. Je ne vous ai parlé que par conjecture. D’ailleurs, quand même M. Edwards aurait quelque parent parmi les naturels du pays, en quoi valons-nous mieux que lui, moi, du moins, qui ne suis que la fille d’un pauvre ministre ?

— Votre humilité va trop loin, Louise, dit Élisabeth ; la fille d’un ministre de l’Église ne reconnaît pas de supérieurs ! M. Edwards ni moi, nous ne sommes vos égaux ; à moins, ajouta-t-elle en souriant, qu’il ne soit un prince déguisé.

— Vous avez raison, miss Temple, répondit Louise ; un fidèle serviteur du roi des rois n’est inférieur à personne sur la terre. Mais cette distinction lui est personnelle. Elle ne se transmet pas avec le sang ; et je ne suis que la fille d’un homme pauvre et sans amis. Pourquoi donc me regarderais-je comme au-dessus de M. Edwards, parce qu’il est peut-être parent… fort éloigné de John Mohican ?