Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/289

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juge Temple ; et cette cause est l’opinion que nous nous sommes formée des attributions universelles du génie.

— Je ne vous comprends pas bien, Dickon.

— Je crois pourtant que je parle bon anglais, cousin ’Duke ; du moins c’est mon père qui me l’a appris, et mon père savait…

— Le grec et le latin, Dickon. Je connais aussi bien que vous toute la science de votre famille. Mais venons au fait. Pourquoi voyageons-nous aujourd’hui sur cette montagne ?

— Pour bien traiter un sujet, juge, il faut que celui qui en parle soit libre de le manier comme bon lui semble. Vous pensez que la nature et l’éducation ne peuvent donner à un homme que les moyens de bien faire une seule chose ; et moi je soutiens que le génie peut suppléer à l’instruction, et qu’il est tel homme qui, naturellement, est capable de faire chaque chose et toutes choses.

— Un homme comme vous, par exemple, cousin Dickon.

— Je méprise les personnalités, juge Temple ; je ne parle nullement de moi ; mais il existe sur votre patente trois hommes que je puis citer comme doués par la nature d’un talent universel, quoiqu’ils agissent sous l’influence de situations différentes.

— Vraiment ! Nous sommes donc mieux que je ne le supposais. Et qui sont ces trois grands hommes ?

— L’un est Hiram Doolittle. Son métier, comme vous le savez, est d’être charpentier, et il ne faut que jeter les yeux sur le village pour rendre justice à son mérite. Ensuite il a été nommé juge de paix ; et où est le magistrat, quelque éducation qu’il ait reçue, qui sache mieux administrer la justice ?

— Soit, dit Marmaduke de l’air d’un homme qui ne veut pas entrer en discussion sur un point contestable ; en voilà un.

— Jotham Riddel en est un autre.

— Qui ? s’écria le juge.

— Jotham Riddel, vous dis-je.

— Quoi ! cet homme mécontent de tout, ce fainéant, ce spéculateur qui change de comté tous les trois ans, d’habitation chaque année, et de profession tous les trois mois ; qui était hier cultivateur, qui est aujourd’hui maître d’école, et qui sera demain cordonnier ! ce composé de toutes les mauvaises qualités des colons, sans qu’il les rachète par une seule de leurs bonnes !