Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/324

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yeux des gens qui le suivaient sur les difficultés et les dangers de l’expédition, mais s’il n’enflamma pas leur courage, il les arma du moins d’une portion suffisante de discrétion ; et en se séparant, peu contents de marcher avec toutes les précautions nécessaires pour ne faire aucun bruit, chacun d’eux eut soin de s’avancer assez lentement pour donner à ses compagnons le temps d’arriver avant lui.

Richard était celui qui avait le plus de chemin à faire pour se trouver au rendez-vous général, et cependant ce fut lui qui y arriva le premier. Dès qu’il fut sur le bord du lac, il cria à haute voix le signal formidable : en avant ! et obéissant lui-même à son ordre, il courut vers l’endroit où était située la cabane de Natty, assez surpris que les chiens vigilants n’eussent pas répondu à son cri par leurs aboiements. Mais il le fut bien davantage quand il vit que la hutte avait disparu, et qu’il n’en restait plus que des débris encore fumants, ou un reste de flamme semblait se ranimer de temps en temps.

Ce spectacle, auquel le shérif était bien loin de s’attendre, lui causa un tel étonnement qu’il fut comme frappé d’immobilité et qu’il en perdit l’usage de la parole pendant quelques instants. Il avança pourtant quand il entendit arriver ses constables, qui n’étaient pas moins surpris que leur chef, et ils contemplaient en silence ces ruines à demi embrasées, quand du milieu des décombres ils virent se lever un homme qui donna plus d’activité à la flamme en rapprochant les uns des autres quelques morceaux de bois à demi brûlés, et à la lueur qui en résulta ils reconnurent Bas-de-Cuir.

— Que voulez-vous à un vieillard sans appui ? leur demanda-t-il. Vous avez chassé du désert les créatures qu’il avait plu à Dieu d’y placer ; vous avez apporté les chicanes et les subtilités de la loi dans un endroit où jamais homme n’en avait troublé un autre ; pour vous empêcher vous et votre loi, de mettre le pied sous le toit qui avait couvert ma tête pendant plus de quarante ans, vous m’avez forcé d’y mettre le feu de ma propre main, et de pleurer sur ses cendres comme le ferait un père sur le corps de son enfant ; vous avez brisé le cœur d’un pauvre homme qui ne vous a jamais fait de mal ni à vous ni aux vôtres, dans un temps où ses pensées devraient être occupées d’un meilleur monde ; vous lui avez fait désirer d’être de la race des animaux des forêts