Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/40

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remarquable, non seulement par ce manque de tout principe d’architecture et de goût, mais par la manière grossière dont on avait employé des matériaux presque bruts, ce qui annonçait des travaux faits à la hâte et avec précipitation. Quelques maisons étaient entièrement peintes en blanc, mais la plupart n’offraient cette couleur dispendieuse que sur la façade, et l’on avait employé pour le reste un rouge plus économique. Elles étaient groupées en diverses directions, de manière à imiter les rues d’une ville, et il était évident que cet arrangement était le fruit des méditations de quelque grand génie, qui avait plus pensé aux besoins de la postérité qu’à ce qui pouvait être utile et commode à la génération actuelle. Trois ou quatre des plus beaux édifices s’élevaient fièrement d’un étage au-dessus des autres, qui n’en avaient qu’un seul au-dessus du rez-de-chaussée, et leurs fenêtres étaient garnies de contrevents peints en vert. Devant la porte de ces maisons à prétention s’élevaient quelques jeunes arbres encore dénués de branches, ou n’offrant que les faibles rameaux d’un ou de deux printemps, et qu’on aurait pu comparer à des grenadiers en faction devant un palais. Dans le fait les propriétaires de ces magnifiques habitations composaient la noblesse de Templeton, comme Marmaduke en était le roi. Là demeuraient deux jeunes gens, humbles serviteurs de Thémis, et connaissant assez bien le labyrinthe qui conduit à son temple ; deux autres individus qui, sous le titre modeste de marchands et par pure philanthropie, fournissaient à tous les besoins de cette petite communauté, et un disciple d’Esculape, qui, pour la singularité du fait, faisait entrer dans le monde plus d’habitats qu’il n’en faisait sortir.

Au milieu de ce groupe bizarre d’habitations s’élevait la demeure du juge, et elle surpassait toutes les autres en grandeur et en hauteur ; elle était située au centre d’un enclos contenant plusieurs acres de terrain, et qui était couvert en grande partie d’arbres à fruits. Quelques-uns avaient pris naissance sur le lieu même ; la mousse qui les couvrait rendait témoignage de leur vieillesse, et ils formaient un contraste frappant avec les jeunes arbres nouvellement plantés qu’ils avaient pour voisins. Un double rang de jeunes peupliers, arbre dont l’introduction en Amérique était encore récente, formait une avenue conduisant de la porte de l’enclos, qui donnait sur la principale rue, à celle de la maison.