Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/113

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haut, » j’entends à un demi-mille de distance. C’est une demeure convenable pour une dame de son rang, et non une de ces maisons où l’on ne peut étendre les coudes, comme celles qui sont tout autour d’ici. On peut la reconnaître aisément à ses beaux stores et à ses ombres. Je réponds que, dans toute l’Europe, il n’y a pas d’aussi belles ombres que les arbres qui sont devant la porte de madame de Lacey.

— Cela est fort probable, murmura l’étranger qui ne paraissait pas aussi prononcé que l’aubergiste dans son admiration, et qui avait déjà repris son air pensif. Au lieu de continuer cet entretien sur le même sujet, il détourna sur le champ la conversation par quelque lieu commun, et répétant ensuite qu’il reviendrait probablement, il se retira en prenant le chemin de la demeure de Mrs de Lacey. Notre hôte vit de quel côté se dirigeait l’étranger, et il aurait probablement trouvé matière à observation dans cette manière de terminer brusquement l’entretien, si Désirée, précisément en cet instant, n’eût détourné son attention en se précipitant hors de sa maison, et en venant lui tracer, de la manière la plus piquante, le caractère de son mari délinquant.

Le lecteur a sans doute déjà soupçonné que l’étranger qui avait cette conférence avec l’aubergiste ne lui était pas inconnu. Dans le fait, c’était Wilder ; mais pour accomplir ses secrets desseins, il laissa en arrière la guerre de mots, et, remontant la colline sur la pente de laquelle la ville est bâtie, il s’avança vers les faubourgs.

Il n’était pas difficile de distinguer la maison qu’il cherchait parmi une douzaine d’autres habitations à peu près semblables, à ses « ombres, » comme l’aubergiste, d’après le sens particulier donné à ce mot dans cette province, avait appelé quelques ormes vraiment majestueux, croissant dans une petite cour en face de la porte. Cependant, pour s’assurer qu’il ne se trompait pas, il changea ses conjectures en certitude par le moyen de quelques questions, et continua ensuite son chemin d’un air pensif.

Le matin brillait alors de tout son éclat, et promettait un autre de ces doux et beaux jours d’automne qui distinguent ou qui devraient distinguer ce climat. Le peu d’air qu’il faisait venait du sud, et éventait le visage de notre aventurier, qui, tout en montant, s’arrêtait de temps en temps pour considérer les divers navires qui se trouvaient dans le port. On aurait cru sentir une douce brise de juin. En un mot, c’était un temps que saisit avec trans-