Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/125

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n’eût été attirée tout à coup par un léger coup qu’il reçut sur l’épaule. Tressaillant à cette apparition inattendue, il se retourna et vit que, grâce à la lenteur de sa marche, il avait été rejoint par le marin qu’il venait de voir dans une société où il aurait donné tant de choses pour être admis lui-même.

— Vos jeunes jambes devaient vous maintenir en avant, mon maître, dit le vieux marin quand il eut réussi à attirer l’attention de Wilder ; et cependant les miennes, toutes vieilles qu’elles sont, m’ont rapproché de vous de manière à ce que nous puissions encore nous héler.

— Vous jouissez peut-être de l’avantage extraordinaire de fendre les vagues avec votre poupe, répondit Wilder en ricanant ; on ne saurait calculer combien un navire peut prendre d’avance quand il fait voile d’une manière si remarquable.

— Je vois, mon frère, que vous êtes offensé que j’aie suivi vos mouvemens, quoiqu’en cela je n’aie fait qu’obéir à votre propre signal. Vous attendiez-vous qu’un vieux chien de mer comme moi, qui a fait son quart si long-temps à bord d’un vaisseau amiral, avouerait son ignorance en quoi que ce soit qui appartienne de droit à l’eau de la mer ? Comment diable pouvais-je savoir si, parmi les milliers de navires qu’on met à la mode, il ne s’en trouve pas quelque espèce qui vogue mieux la poupe en avant ? On dit qu’un vaisseau est construit sur le modèle d’un poisson ; et si cela est vrai, il ne s’agit que d’en faire un à la manière d’une écrevisse ou d’une huître, pour avoir précisément ce dont vous parliez.

— Fort bien, vieillard. Je suppose que la veuve de l’amiral vous a récompensé par un joli présent, et que par conséquent vous pouvez maintenant mettre en panne pendant quelque temps sans vous inquiéter beaucoup de la manière dont on construira les vaisseaux à l’avenir. Dites-moi, avez-vous dessein de descendre cette colline beaucoup plus loin ?

— Jusqu’à ce que j’en sois au bas.

— J’en suis charmé, l’ami, car mon intention à moi est de la remonter. Ainsi, comme nous le disons en mer en fouissant une conversation, je vous souhaite un bon quart.

Le vieux marin rit à sa manière quand il vit le jeune homme tourner brusquement sur le talon et se remettre à gravir la colline dont il venait de descendre.

— Ah ! vous n’avez jamais fait voile avec un contre-amiral, dit--