Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/133

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tendait qu’elle lui parlât, qu’à moins que vous ne jugiez à propos de vous expliquer avec plus de franchise, nous ne soyons forcées de refuser de vous croire, et de persister dans notre intention de profiter de l’occasion que nous offre la Royale Caroline pour nous rendre dans la Caroline.

— C’est du fond de mon cœur, madame, que je regrette cette détermination.

— Il peut encore dépendre de vous de nous en faire changer. Il ne s’agit que de vous expliquer.

Wilder parut réfléchir une ou deux fois ; ses lèvres remuèrent comme s’il allait parler. Mrs Willys et Gertrude attendaient avec un profond intérêt qu’il annonçât ses intentions ; mais après une longue pause pendant laquelle il semblait hésiter, il trompa leur attente en disant :

— Je suis fâché de ne pas avoir le talent de me faire mieux comprendre. Ce ne peut être que la faute de mon incapacité, car je vous affirme de nouveau que le danger est aussi évident à mes yeux que le soleil en plein midi.

— En ce cas, monsieur, nous devons rester dans notre aveuglement, répliqua Mrs Wyllys en le saluant avec froideur. Je vous remercie de vos bonnes et charitables intentions, mais vous ne pouvez nous blâmer de ne pas vouloir suivre un avis qui est entouré de tant d’obscurité. Quoique nous soyons chez nous, vous nous pardonnerez si nous vous quittons ; l’heure fixée pour notre départ est arrivée.

Wilder répondit à la révérence grave de Mrs Wyllys en la saluant avec un air non moins cérémonieux, mais il s’inclina avec plus de grâce et de cordialité pour rendre celle plus aimable que lui fit à la hâte Gertrude. Il resta pourtant dans l’endroit où elles l’avaient laissé, jusqu’à ce qu’il les eût vues rentrer dans la maison, et il s’imagina même pouvoir distinguer une expression d’intérêt dans un autre regard timide que la dernière jeta de son côté, avant que sa forme légère disparût à ses yeux. Appuyant une main sur le mur, il sauta alors de l’autre côté. Lorsque ses pieds frappèrent la terre, ce léger choc sembla le tirer de son état d’abstraction, et il s’aperçut qu’il était à six pieds du vieux marin qui était venu deux fois se placer si mal à propos entre lui et l’objet qui intéressait si vivement son cœur. Celui-ci ne lui donna pas le temps d’exprimer son mécontentement, car il fut le premier à rompre le silence.