Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/144

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Vous trouverez plus commode, monsieur, de déjeuner dans une autre chambre. — Wilder suivit son conducteur, qui sortit de l’appartement ouvert au public par une porte différente de celle par laquelle il avait conduit le vieux marin dans l’intérieur de sa maison, et il ne fut pas peu surpris de l’air de mystère que l’aubergiste jugeait à propos de prendre en cette occasion. Après avoir traversé un passage tournant, celui-ci fit monter Wilder, avec un profond silence, par un escalier dérobé qui aboutissait à l’étage le plus élevé du bâtiment. Là il frappa doucement à une porte. — Entrez, dit une voix forte et sévère qui fit tressaillir notre aventurier. Cependant, en entrant dans une petite chambre fort basse, il n’y vit personne, si ce n’est le marin que l’aubergiste venait d’accueillir en ancienne connaissance, et à qui il avait donné un nom auquel son costume lui donnait certainement des droits celui de Bob Goudron. Tandis que Wilder regardait autour de lui, un peu surpris de la situation dans laquelle il se trouvait, l’aubergiste se retira, et il resta seul avec son confédéré. Celui-ci était occupé à faire honneur à une pièce de bœuf placée devant lui, et qu’il arrosait d’une liqueur qui paraissait être à son goût, quoiqu’on n’eût certainement pas eu le temps de lui préparer le breuvage qu’il avait jugé à propos d’ordonner. Sans donner à Wilder le temps de faire plus de réflexions, le vieux marin lui fit signe de prendre la seule chaise qui restât vacante dans la chambre, et il continua à attaquer l’aloyau avec autant d’empressement que s’il n’eût pas été interrompu.

— L’honnête Joé Joram se fait toujours un ami de son boucher, dit-il après avoir bu, sans reprendre haleine, une gorgée qui menaçait de vider le pot ; — son bœuf a une telle saveur qu’on pourrait le prendre pour une queue de morue. Vous avez voyagé en pays étranger, camarade ? — car je puis vous nommer ainsi, puisque nous voilà assis près du même corbillon. — Vous avez sûrement vu les pays étrangers ?

— Très souvent, sans cela je serais un pauvre marin.

— En ce cas, dites-moi si vous connaissez un royaume qui puisse fournir des rations en poisson, en viande de boucherie, en volailles, en fruits, comme cette noble terre d’Amérique, dans laquelle nous sommes maintenant amarrés, et où je suppose que nous sommes nés tous deux ?

— Ce serait porter un peu trop loin l’amour de la patrie, répondit Wilder désirant détourner la conversation de son objet