Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/166

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mandant vit, avec une grande satisfaction intérieure ; qu’il ne démentait sous aucun rapport sa réputation. Un équipage vigoureux, actif et expérimenté, des espars bien proportionnés, peu de poids et de volume dans le gréement des hunes, un arrimage parfait et force voiles légères, lui offraient tous les avantages que son expérience pouvait lui suggérer. Son œil s’animait en parcourant rapidement tous les détails du navire qu’il commandait, et ses lèvres remuaient comme celles d’un homme qui se félicitait intérieurement ou qui se livrait à quelques idées inspirées par un peu d’amour-propre et que le sentiment des convenances lui faisait sentir qu’il ne devait pas exprimer hautement.

L’équipage, sous les ordres du pilote, était alors assemblé au cabestan et avait commencé à virer le câble. Ce travail était de nature à montrer, avec le plus grand avantage, la force individuelle et collective de ceux qui s’en occupaient. Leurs mouvemens étaient simultanés, vifs et pleins de vigueur ; leur cri était sonore et enjoué. Comme pour éprouver son influence, notre aventurier éleva sa voix au milieu de celle des matelots, et fit entendre une de ces exclamations soudaines et encourageantes par lesquelles un officier de marine a coutume d’animer ceux qui sont sous ses ordres. Son ton était ferme, plein d’ardeur et d’autorité. Les matelots tressaillirent comme de généreux coursiers en entendant le signal, et chacun d’eux jeta un regard en arrière, comme s’il eût voulu juger des talens de son nouveau commandant. Wilder sourit, en homme satisfait du succès qu’il avait obtenu, et se retourna pour se promener sur le gaillard d’arrière, où il rencontra encore une fois l’œil calme, réfléchi, mais certainement étonné, de Mrs Wyllys.

— Après l’opinion qu’il vous a plu d’exprimer sur ce bâtiment, lui dit-elle avec le ton de la plus froide ironie, je ne m’attendais pas à vous voir remplir ici une place qui entraîne tant de responsabilité.

— Vous savez probablement, madame, répondit le jeune marin, qu’un fâcheux accident est arrivé au maître de ce navire ?

— Je le savais, et j’avais entendu dire qu’on avait trouvé un autre officier pour remplir momentanément sa place. Mais si vous voulez y réfléchir, je crois que vous ne trouverez rien d’étonnant dans la surprise que j’éprouve en voyant quel est cet officier.

— Nos conversations, madame, vous ont peut-être donné une idée peu favorable de mes talens dans ma profession ; mais je