Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/284

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Il me semble insensé de tenter la Providence par de telles provocations.

Fid lança sur le bonhomme un regard beaucoup plus significatif qu’à l’ordinaire, et il attendit même pour répondre qu’il eût rafraîchi ses idées en mettant dans sa bouche une nouvelle provision de feuilles de tabac. Alors jetant les yeux autour de lui pour s’assurer qu’aucun de ses bruyans et grossiers compagnons n’était à portée de l’entendre, il lança un regard encore plus expressif sur le tailleur et répondit :

— Écoutez, camarade, quels que puissent être les autres bons côtés de Richard Fid, ses amis ne peuvent dire qu’il soit un grand savant. Cela posé, il n’a pas jugé convenable de demander à jeter un coup d’œil sur les réglemens en venant à bord de ce brave vaisseau. Je suppose cependant qu’ils peuvent se montrer au besoin, et qu’un honnête homme n’a pas lieu de rougir de se trouver ici :

— Ah ! que le Ciel protége les pauvres et innocentes créatures qui servent ici contre leur volonté, quand le temps de la rétribution sera venu ! répondit Homespun. Je présume cependant qu’un marin qui paraît entendre son affaire aussi bien que vous ne s’est pas engagé dans cette entreprise sans recevoir la gratification d’usage, et sans connaître la nature du service.

— Du diable si je me suis engagé du tout ni dans l’Entreprise ni dans le Dauphin, comme on appelle ce même vaisseau. Voilà maître Harry, ce brave jeune homme qui est là-bas sur la poupe ; je le suis partout, entendez-vous, et il est rare que je le fatigue de questions pour savoir de quel côté il va diriger sa barque.

— Quoi ! vous vendriez ainsi votre âme à Belzébuth, et cela encore sans en recevoir un bon prix ?

— Écoutez, camarade, vous feriez peut-être aussi bien de jeter le grappin sur vos idées et de les empêcher de courir ainsi de travers. Je désire traiter avec les égards convenables un monsieur qui a eu la bonté de monter jusqu’ici pour me rendre visite, entendez-vous ; mais un officier tel que celui que je sers a un nom à lui, sans avoir besoin d’emprunter celui de la personne que vous avez jugé à propos de nommer. Je dédaigne une chose aussi pitoyable qu’une menace, mais un homme de votre âge n’a pas besoin qu’on lui dise qu’il est aussi facile de descendre du haut de cette vergue qu’il l’a été d’y monter.

Le tailleur jeta un regard au-dessous de lui sur la mer, et il se