Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/289

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Au milieu du bruit et de la confusion, une voix se fit entendre, qui paraissait sortir de l’océan, et qui hélait le vaisseau par son nom, à l’aide d’un porte-voix appliqué à la circonférence extérieure d’un écubier.

— Qui hèle le Dauphin ? répondit Wilder quand il s’aperçut que cette voix n’avait pu tirer son commandant de la rêverie profonde où il était plongé.

— Le père Neptune est sous votre proue.

— Que désire le dieu ?

— Il a appris que certains étrangers étaient arrivés dans ses domaines, et il demande la permission de venir à bord de l’effronté Dauphin, pour savoir ce qu’ils viennent faire, et examiner leur journal secret.

— Il est le bienvenu ; faites monter le vieillard à bord par le cap. C’est un marin trop expérimenté pour qu’il veuille entrer par les fenêtres.

Le pourparler cessa, et Wilder fit un tour sur les talons, comme s’il eût déjà été dégoûté du rôle qu’il lui fallait jouer dans cette parade.

On vit bientôt paraître un marin d’une taille athlétique, qui semblait sortir de l’élément dont il voulait représenter le dieu. De grossiers flocons de laine, dégouttant d’eau de mer, lui tenaient lieu de cheveux blancs, et des herbes sauvages, qui couvraient la surface de l’eau à une lieue du bâtiment, lui faisaient une espèce de manteau de négligé ; il tenait à la main un trident fait de trois épissoires arrangés convenablement, et placés au bout d’une demi pique. Ainsi accoutré, le dieu de l’océan, qui n’était rien moins que le capitaine du gaillard d’avant, s’avançait avec toute la dignité nécessaire le long du pont, suivi d’une foule de nymphes et de naïades barbues, dans un costume aussi grotesque que le sien. Arrivé sur le tillac en face des officiers, le dieu les salua en abaissant son sceptre, et reprit la conversation en ces termes, Wilder se trouvant forcé, par la préoccupation de son commandant qui était toujours la même, de faire une partie du dialogue.

— C’est un assez beau bâtiment que celui sur lequel vous êtes venu, mon fils, et il me paraît rempli de l’élite de mes enfans. Combien peut-il y avoir que vous avez quitté la terre ?

— Mais environ huit jours.

— À peine assez de temps pour que les novices puissent avoir