Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/342

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si cette dame et votre honneur ont envie de connaître l’affaire telle qu’elle est, vous n’avez qu’à parler, et je vous raconterai tout en termes clairs et honorables.

— Ah ! voilà une proposition raisonnable, répondit le Corsaire en faisant signe à Mrs Wyllys de le suivre d’un côté de la poupe où ils étaient moins exposés à la vue des curieux.

— Maintenant, expliquez-nous la chose clairement, et vous pourrez être sûr que nous prononcerons en dernier ressort.

Fid était loin de montrer la moindre répugnance à entrer dans les détails qu’on lui demandait ; et pendant le temps qu’il lui fallut pour tousser, cracher, renouveler sa provision de tabac, et enfin se disposer de toutes les manières à son récit, Mrs Wyllys avait vaincu la répugnance qu’elle éprouvait à chercher à pénétrer les secrets des autres, au point de céder à un mouvement de curiosité qui lui sembla invincible, et d’aller s’asseoir à la place que le Corsaire lui avait indiquée de la main.

— Mon père m’envoya de bonne heure en mer, votre honneur, dit Fid après avoir observé avec soin ces petits préliminaires. C’était comme moi un homme qui passait une plus grande partie de son temps sur l’eau que sur la terre ferme, bien que, comme ce n’était rien de plus qu’un pêcheur, il ne perdît guère la terre de vue, ce qui est, après tout, à peu près comme s’il y eût vécu tout-à-fait. Quoi qu’il en soit, lorsque je partis, j’allai tout d’un coup au large, et doublai le cap Horn pour mon premier voyage, ce qui n’était pas peu de chose pour un commençant ; mais alors, comme je n’avais que huit ans…

— Huit ans ! vous parlez de vous à présent, interrompit la gouvernante déçue dans son attente.

— Certainement, madame ; et bien qu’on pourrait parler de personnes beaucoup plus intéressantes, il serait difficile de faire virer la conversation sur quelqu’un qui sût mieux gréer ou dégréer un vaisseau. Je commençais mon histoire par le bon bout ; mais comme je pensais que madame n’aimerait pas à perdre son temps à entendre ce qui concerne mon père et ma mère, j’ai coupé court, en entrant en matière à l’âge de huit ans, laissant de côté tout ce qui a rapport à ma naissance et à mon nom, et mille autres choses de ce genre qu’on intercale ordinairement, sans rime ni raison, dans toutes vos histoires d’aujourd’hui.

— Continuez, répliqua la gouvernante avec une sorte de résignation forcée.