Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/383

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Wilder, ajouta-t-il, en jetant sur lui un regard franc et plein de confiance, je mets ma vie et mon honneur sous votre garde, car ce serait une infamie pour moi que de compromettre les intérêts de mon équipage.

— Ce dépôt sera respecté, répéta notre aventurier d’une voix si sourde qu’on l’entendait à peine.

Après avoir regardé un instant avec attention la figure de son compagnon, qui n’en semblait pas moins ouverte, le Corsaire sourit, comme s’il était content de cette assurance ; il agita la main en signe d’adieu, et il allait sortir de sa cabine quand il aperçut une troisième personne qui se tenait immobile à la porte. Posant légèrement la main sur l’épaule de l’enfant qui se trouvait sur son passage, il lui demanda d’un ton un peu brusque :

— Roderick, pourquoi cet accoutrement ?

— Pour suivre mon maître dans la barque.

— Enfant, tes services ne sont pas nécessaires.

— Ils le sont rarement depuis quelque temps.

— Pourquoi exposerais-je inutilement une vie de plus, lorsqu’il ne peut résulter aucun avantage ?

— En risquant la vôtre, vous risquez tout pour moi, dit Roderick d’une voix si faible, d’un ton si résigné, que ces paroles n’arrivèrent aux oreilles que de celui pour lequel elles avaient été prononcées.

Le Corsaire attendit quelque temps avant de répondre ; sa main restait toujours appuyée sur l’épaule de l’enfant, et ses yeux étaient fixés sur sa physionomie avec l’expression que cet organe prend ordinairement lorsqu’il s’efforce de pénétrer le mystère du cœur humain.

— Roderick, dit-il enfin d’une voix plus douce et plus affectueuse, votre sort sera le mien, nous partirons ensemble.

Alors, passant rapidement la main sur son front, il monta l’échelle, accompagné de l’enfant, et suivi de celui en qui il avait tant de confiance. Le pas dont le Corsaire marchait sur le tillac était ferme et assuré, comme s’il ne courait aucun risque dans son entreprise. Toujours occupé des devoirs de sa charge, il promena ses regards de voile en voile, de vergue en vergue, avant de se diriger vers le côté du vaisseau où il avait donné ordre de préparer la barque. Un air de défiance et d’hésitation parut, pour la première fois, sur ses traits mâles et décidés, et son pied s’arrêta un instant sur l’échelle. — Davis, dit-il d’un ton ferme à