Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/418

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sité ; en homme qui ne voudrait pas porter même un ennemi à commettre un acte déshonorant, je vous presse fortement d’accepter les conditions qui vous sont offertes. Vous me pardonnerez si je vous dis que, par suite des relations que j’ai eues avec vous, j’ai lieu de croire que vous vous apercevez déjà que ni la réputation que vous pouviez désirer d’acquérir, ni le contentement qui est le but des souhaits de tous les hommes, ne peuvent se trouver dans la carrière que vous suivez.

— Je n’avais pas cru avoir sur mon bord, en monsieur Wilder, un casuiste aussi profond. — N’avez-vous rien de plus à me dire ?

— Rien, répondit l’envoyé du Dard avec un accent de tristesse et de désappointement.

— Si, si, il a encore quelque chose à vous dire, s’écria une voix basse, mais pleine de ferveur, à côté du Corsaire, et qui laissait échapper ces paroles plutôt qu’elle ne les prononçait ; il ne vous a pas encore dit la moitié de ce qu’il doit vous dire, ou il a cruellement oublié une mission sacrée.

— Cet enfant rêve souvent tout éveillé, dit le Corsaire en souriant d’un air inquiet et égaré. Il donne quelquefois une forme à ses pensées insignifiantes, en les revêtant de paroles.

— Mes pensées ne sont pas insignifiantes, reprit Roderick d’une voix plus haute et d’un ton beaucoup plus hardi. Si vous prenez intérêt à sa paix et à son bonheur, monsieur Wilder, ne le quittez pas encore. Parlez-lui de son nom illustre et honorable, de sa jeunesse, de cet être doux et vertueux qu’il aima si passionnément autrefois, et dont il chérit même encore à présent la mémoire. Parlez-lui de tout cela comme vous êtes en état de parler, et je vous réponds sur ma vie qu’il n’aura ni l’oreille sourde, ni le cœur endurci.

— Cet enfant est fou.

— Je ne suis pas fou, ou, si je le suis, je le suis devenu par suite des crimes ou des dangers de ceux que j’aime. — Ô monsieur Wilder, ne le quittez pas ! Depuis que vous êtes venu parmi nous, il ressemble plus qu’auparavant à ce que je sais qu’il était autrefois. Reprenez ce tableau de vos forces ; vous avez fait une faute en le lui montrant ; les menaces ne servent qu’à l’endurcir : donnez-lui des avis comme ami, mais n’attendez rien de lui comme ministre de vengeance. Vous ne connaissez pas son carac-