Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 8, 1839.djvu/423

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alors de nouveau sur son pic le grand pavillon qui avait été abaissé pendant la conférence, et qui avait flotté en triomphe au milieu des hasards et des périls de mille combats ; mais aucun emblème semblable ne se montra sur le bord de son adversaire.

De cette manière les deux vaisseaux prirent de l’air, suivant l’expression nautique, se surveillant l’un l’autre avec autant de vigilance que s’ils eussent été deux monstres rivaux du grand abîme, chacun cherchant à cacher à son antagoniste l’évolution qu’il avait dessein de faire. L’air sérieux et attentif de Wilder n’avait pas manqué d’avoir de l’influence sur le vieux marin qui commandait le Dard ; et, en ce moment, il était aussi disposé que son lieutenant à ne rien précipiter et à ne commencer le combat qu’avec toutes les précautions convenables.

Le ciel avait jusqu’alors été sans nuages pendant toute la journée, et jamais une voûte d’un plus bel azur ne s’était montrée sur la surface des eaux, que celle qui couvrait depuis plusieurs heures les têtes de nos aventuriers ; mais, comme si la nature avait horreur de leurs projets sanguinaires, une masse de vapeurs, noire et menaçante, joignit l’Océan au firmament du côté opposé à celui d’où le vent avait soufflé constamment. Ces signes bien connus et de mauvais augure n’échappèrent pas à la vigilance des marins qui gouvernaient les deux vaisseaux ennemis ; mais le danger paraissait encore trop éloigné pour nuire à l’intérêt que leur inspirait le combat qui allait avoir lieu.

— Nous avons un ouragan qui se prépare à l’ouest, dit le prudent et expérimenté Bignall à son lieutenant, en lui montrant les symptômes fâcheux que nous venons de décrire ; mais nous pouvons frotter le pirate et remettre tout en ordre avant que la tempête puisse arriver jusqu’à nous contre cette bonne brise.

Wilder fit un signe d’approbation, car en ce moment la fierté de sa profession se faisait aussi sentir à son cœur, et une rivalité généreuse prenait l’ascendant sur des sentimens qui étaient peut-être étrangers à ses devoirs, mais qui n’en étaient pas moins naturels à un homme doué d’un caractère si doux.

— Le Corsaire couche même ses petits mâts, s’écria-t-il ; il paraît se méfier beaucoup du temps.

— Nous ne suivrons pas son exemple, dit Bignall, et il regrettera de ne pas les avoir debout quand nous le tiendrons une fois sous le feu de nos batteries. Par notre roi George ! il monte un bâtiment qui marche bien. Faites déployer la grande voile, monsieur,